vendredi 12 mars 2010

Bernier nous irrite...

De l'aveu de certains, Bernier (allez faire un tour si vous avez le coeur solide) a livré un brillant discours au Centre Manning pour le renforcement de la démocratie (quelle ironie), il cherche des solutions pour «vendre les idées conservatrices au Québec» (quel bon choix de mots...)


On pourrait presque y croire, toutefois comme député, Monsieur Bernier est responsable, voire imputable, des écarts que produit son gouvernement et ce dernier se comporte d’une manière si scandaleuse que la vitrine du conservatisme qu’il représente est souillée de plusieurs de ses gestes immoraux.

Juste dans le titre de sa conférence et dans le résumé : «vendre», «marketing» sont des termes que l’on peut assimiler à du maquillage, à une opération de relations publiques pour «recadrer» une mauvaise perception du conservatisme. L’ennui c’est que la perception de la population correspond à une vision malheureusement assez juste du gouvernement.

On a plusieurs types de relations publiques, mais parmi les principales, on a celles qui cherchent à montrer les choses telles qu’elles, qui servent de filtre pour éclaircir un problème de perception et on a celles qui proposent une autre vision de la réalité, parce que la réalité est désagréable et qu’on veut éviter que le public la voit.

La communication de Monsieur Bernier me semble viser ce but : on a un problème d’image parce le gouvernement est ignoble; Harper souffre d’un grave problème de transparence, sa relation avec les médias est toxique et enfin il favorise une inquiétante polarisation du pays.Ce faisant, on ne peut se servir du bilan du gouvernement pour vanter l’idéologie que ce dernier nourrit.

Si on juge donc les idées conservatrices d’après leur messager, on ne peut qu’être extrêmement déçu et sceptique; les conservateurs nous mènent au désastre, ils sont réactionnaire et fortement prisonniers de leur grille idéologique : militarisme, durcissement populiste des lois, utilisation abusive de l’appareil d’état, dissimulation, contrôle de l’information, prorogation, négation, mensonge et manipulation des faits (pensons aux allégations de torture) et mépris de l’environnement ne sont que la pointe de l’iceberg.

Enfin, Monsieur Bernier prône moins une décentralisation de l’État et d’une dissimulation de son rôle comme une fin en soi pour plus de liberté que parce que ce démembrement profiterait au grand capital, aux décideurs économiques et aux corporations déjà puissantes envers lesquels Monsieur Bernier est complaisant.

Son analyse est d’ailleurs sidérante : «J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour ce que M. Manning a accompli, mais malheureusement, il n’a jamais réussi à s’exprimer en français de façon à pouvoir s’adresser directement aux Québécois pour changer ces perceptions négatives. Le parti ne comptait que sur une poignée de partisans au Québec, et aucune figure connue, pour expliquer en quoi les propositions réformistes auraient pu être à l’avantage du Québec»

Alors qu’en fait, une partie des racines de ce parti étaient profondément régionales et partageait des liens avec «L’Alliance pour la préservation de l’anglais au Canada (en anglais: The Alliance for the Preservation of English in Canada (APEC)) [...] un groupe canadien de lobbying politique faisant campagne contre la politique de bilinguisme officiel.» Par ailleurs, on voyait là distinctement le germe d’un parti réactionnaire, antiavortement, homophobe et prompt à traiter de «socialistes» (avec toute la charge péjorative possible) des politiques plutôt centristes. On s’entend qu’il n’y a rien de sexy là-dedans.

Alors quand on connait la tendance d’Harper de contrôler et manipuler l’information on trouve très inquiétant la prétention de Monsieur Bernier qui référence à la pub, et qui dit que « pour vendre exactement le même produit, [d]es campagnes utilisent un thème dans les régions anglophones du pays, et un autre en français. Les entreprises considèrent qu’il est nécessaire d’avoir deux stratégies de marketing différentes pour rejoindre ces deux marchés différents.

C’est d’abord l’aveu clair des deux solitudes, mais c’est ensuite la preuve d’un calcul traduisant une pensée machiavélique et cynique : c’est dire que l’on peut avoir deux visages. On peut avoir cette stratégie pour vendre des bonbons, pas pour se présenter avec transparence à la nation. S’y adonner, c’est admettre que l’on veut le pouvoir pour le pouvoir…

Enfin, cette tendance à jouer avec la vérité a des échos dans les références au développement économique antérieur à la Révolution tranquille, s’il y avait création de richesse, elle était TRÈS INÉGALEMENT DISTRIBUÉE et que ce système était très corrompu. Les enquêtes d’ailleurs sur la corruption dans la construction au Québec invalident d’ailleurs le slogan vide de Manning : « Un dollar qu’on laisse dans les mains des consommateurs, des investisseurs, des entrepreneurs ou des contribuables est plus productif que le même dollar dans les mains d’un bureaucrate, d’un lobbyiste ou d’un politicien. »

D’abord c’est démagogique de mettre le politicien dans le même panier que le lobbyiste, ça entretient le cynisme, ensuite c’est élever la réussite politique au seul succès de l’aspect de la réussite économique, laquelle, on le sait, n’est pas partagée dans la société.

Sans transparence le projet de Manning encourage le vol des contribuables par des entrepreneurs qui corrompent les politiciens, ensuite le projet de charcuter l’État empêche ce dernier de réagir, pensons notamment à la pénurie d’inspecteurs par rapport l’ampleur travaux sur les infrastructures, ce qui revient à encourager le vol des deniers publics.

Sauf que cette transparence bafouée par le parti conservateur actuel, les médias sont unanimes pour décrier combien cette emprise sur l’information est dangereuse pour la démocratie.

Monsieur Bernier nage donc en pleine contradiction, s’il croyait vraiment en les principes qu’il défend dans sa communication, il aurait à critiquer ses pairs bien plus sévèrement. À partir du moment où on remet ainsi en question sa véritable loyauté : il préfère être loyal à son parti plutôt qu’à ses valeurs démocratiques, on peut douter de sa bonne foi, et de là, voir dans ses positions un jeu pour certains acteurs de la société (le monde de l’argent) à celui des gens ordinaires.

Et pour terminer, en se présentant comme le plus typique représentant de la Beauce, il a été chercher la fierté régionale, il s’est présenté comme la volonté d’une collectivité. Cette dernière s’est rangée derrière lui et l’a soutenu parce qu’à travers ses démêlés, c’est la région qui était attaquée. Monsieur Bernier est donc un habile politicien qui sait gagner les concours de popularité. Mais qu’il n’aille pas croire qu’il fut élu à cause de la qualité de ses idées.

La substance de ses dernières me semble d’ailleurs de la même nature que ses errements passés et son entêtement à préférer la forme au fond me semble d’ailleurs avoir provoqué sa première chute politique.

Alors quand il nous sort du vocabulaire comme par exemple « subsidiarité », et qu’il lie cette question à une troisième voie pour tous ceux voudraient autre chose que le nationalisme québécois ou le centralisme canadien, il ignore non seulement qu’il faut pour cela faire des changements constitutionnels pour que son concept soit structurel, mais il joue avec la vérité : son gouvernement laisse les provinces s’étouffer avec leurs dépenses pendant que lui accumule un tel déficit que lorsqu’il sera enfin temps de s’en occuper, la marge de manoeuvre des provinces pour régir leurs propres compétences aura été diminuée par l’étranglement structurel des budgets du pays. C’est à dire que Ottawa sera forcé, s’il n’hausse pas les impôts, de couper dans les transferts ou dans les services.

Le déséquilibre sera tout aussi grand avec les provinces, lesquelles ne pourront surtaxer les citoyens pour compenser la perte de revenu. Le déficit politique aura été remplacé par une perte de pouvoir économique… quel gain!

L’Engagé

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