dimanche 23 mai 2010

Dubuc, Pratte, fédéralistes québécois, pourquoi?

Je lis un éditorial de Dubuc qui commente un sondage Crop réalisé pour Option Canada.
Il reconnait que l'on est dans une impasse, qu'il prétend que l'option souverainiste est finie depuis 10 ans, qu'il le répète depuis longtemps, avec son ami Pratte.

Leur discours? C'est terminé, passons à autre chose, construisons un meilleur Canada. Dans leur transport, ils oublient que le fédéralisme n'est pas réformable, que le poids du Québec diminue et qu'on est déjà une minorité; ils veulent que l'on soit fier, que l'on rayonne que l'on s'affirme, mais à l'intérieur du Canada, mais quand les frontières du cadre politique de ce dernier vont compresser nos aspirations, on fera quoi, le tapis? On doit tendre la main au Canada, mais qu'est ce qu'on fait s'il refuse notre lecture des règles, on se choque, puis après?

Si on s'affirme à l'intérieur du Canada, c'est pour avoir plus de pouvoir pour régler certains problèmes, non? Qu'est-ce qu'on fait si on y prend gout, on se limite? un peu de pouvoir c'est bon, mais pas trop? La souveraineté est à prendre avec modération, c'est ça?

Je vais sous peu écrire un autre billet, mais je vous en donne les grandes lignes : pour les Canadiens (même que c'est vieilli comme vision), il n'y a qu'une nation au Canada : les Canadiens, lesquels sont francophones ou anglophones (et il y a les autres), pour les Québécois, du moins les nationalistes, principalement francophones, il y a deux nations : Les Québécois et les Canadiens. Langue, culture, droit et politique entre les Canadiens et les Québécois et les divergences sont suffisants pour que ce qui est assez bon pour l'un des peuples soit souvent préjudiciable à l'autre. Actuellement, en étant dans le Canada, la nation minoritaire est assujettie à la nation majoritaire. Même en élisant une majorité de députés d'un parti au pouvoir au fédéral, les Québécois ne peuvent en constitué la majorité (d'ailleurs, ça serait assez antidémocratique s'ils y arrivaient ) ils sont structurellement condamnés à cette position d'éternelle minoritaire (dont le poids diminue de plus en plus). L'option canadienne pour le Québec en donc une d'assimilation et non d'affirmation, c'est en nous diluant dans un ensemble plus grand que nous ferons de grandes choses, mais les moyens mis en oeuvre pour arriver à cette fin sont ceux-là mêmes qui permettent d'évaluer la pertinence de cette fin.

Le but ultime n'est-il pas d'assurer notre pérennité en tant que joyaux francophone en Amérique du Nord, de garder notre nation vivante et épanouie? Pour parvenir à un certain pouvoir nous devons nous «bilinguiser» nous Canadianiser, pour participer à l'exercice fédéraliste enthousiaste des Dubuc et Pratte, or il n'existe pas une telle chose qu'une nation bilingue. Il n'existe même pas de véritable culture canadienne, c'est désormais un construit multiculturel et relativiste dont l'essence -le dénominateur commun de la langue anglaise, de la culture anglo-saxonne et des influences commerciales américaines- constitue un ciment invisible, mais néanmoins hégémonique. Comment voulez-vous que le français, en déclin au Canada, puisse se tailler une place honorable en tant que ciment, alors que l'histoire des deux peuples fondateurs est de plus en plus évacuée?

Comment voulez-vous donc que l'on participe au Canada autrement qu'en tant que minorité? Comment voulez-vous que l'on se satisfasse d'une condition minoritaire alors que l'on est assez autonome pour vouloir justement plus de pouvoir et que l'on comprenne que les intérêts des Canadiens ne sont pas nécessairement ceux des Québécois? Quand deux peuples sont si différents, pourquoi penser que l'on peut les réunir dans la même structure politique?

Pour Pratte, Dubuc et les autres (Charest, Dion et cie) on a qu'à devenir « Canadien» et participer à cette grande nation bilingue. Messieurs, cette nation n'existe pas. Certains individus (Chrétien, Martin, Trudeau, Charest, Desmarais ) peuvent l'incarner, mais ce sont des élites créées précisément par les paradoxes et l'aliénation que cause à une nation le fait d'être subordonnée politiquement à une autre nation, majoritaire celle-là, c'est la preuve que la culture de la majorité à un potentiel d'attraction infiniment fort pour qui veut réussir, ça ne peut-être le destin politique d'une collectivité si elle veut rester unique et distincte.

En d'autres mots, le bilinguisme est le cheval de Troie pour une nation minoritaire, le Canada, à cause de sa structure, de son histoire, est un perpétuel danger pour les collectivités francophones qui l'habitent. L'histoire de leur déclin en est la preuve de moins en moins vivante.

Bref, l'utopie, c'est penser que les Canadiens seront bilingues. Les Canadiens sont anglais et il existe une famille politique assez exceptionnelle de Québécois qui s'ignorent et qui sont bilingues et qui ont essayé de façonner le Canada au complet à l'image de leur identité paradoxale.

Mais l'une ou l'autre des nations canadienne et québécoise ont toujours fini par les exclure. Le souvenir de Trudeau est à jamais terni pour les Québécois, Mulroney et Bourassa ont échoué, Chrétien n'a jamais été aimé au Québec et Dion, le plus canadien et pourtant le moins bilingue a subit un revers absolument cinglant, plongeant ainsi le Canada dans une vibrante crise en consolidant le pouvoir des conservateurs, lesquels permettent de bien saisir combien différents sont les Québécois des Canadiens.

Il est donc proprement hallucinant que deux êtres intelligents, Pratte et Dubuc, ne sachent voir les dynamiques que j'ai expliquées ici. À cause de leur tribune, je dirais qu'ils sont responsables de cette indifférence, pour laquelle ils se félicitent. Car à les écouter, c'est parce qu'elle est impopulaire et non parce qu'elle n'est pas souhaitable que l'Indépendance n'est pas une bonne option.

S'ils veulent vraiment que la culture québécoise et la langue française s'épanouissent, ils savent ce qui leur reste à faire. Un fusil, ça se change d'épaule!

Leur argument principal c'est que nous sommes trop petits et que nous avons besoin du Canada pour rayonner. Observez combien la culture canadienne est sous-représentée par rapport à la culture américaine et vous comprendrez combien nous n'avons rien à gagner à perpétuer cette union.

Quant à la perte d'énergie des débats qu'entretient la question nationale, en connaissez-vous beaucoup, vous , des pays où les gens s'intéressent à ce point à ces questions? Cela entretient une culture politique...

lundi 10 mai 2010

Festival d'été de Québec, trop de pop anglaise?


Contrairement à ce qu’affirme Le Soleil, 26% des commandites ne viennent pas du privé, mais des sociétés d’État, plus les subventions fédérales et provinciales de l’industrie et du tourisme, et un saupoudrage de la ville et Québec et de la SODEC, on est donc pas loin de 56% de financement public.

Je n’ai rien contre la présentation d’artistes anglo-allo-locaux ou d’artistes internationaux, mais je suis en train de payer pour qu’un festival offre et face la promotion de groupes commerciaux, de majors anglo-saxons, lesquels contribuent à la diffusion d’une influence hégémonique nocive (thèmes musicaux et rythmes généralement assimilables à du fast-food, hypersexualisation, hétérosexisme, violence et valorisation de l’argent).

Le FEQ est donc une drôle de poutine, dans laquelle la musique francophone semble minoritaire, ce qui ne serait pas grave si c’était pour faire de la place pour une musique tout aussi locale, mais d’ailleurs; le problème est que cette dilution se fait au profit de cette même musique dont nous sommes constamment immergées et contre laquelle nos artistes et nos institutions se battent à longueur d’année.

Il y a donc une forte contradiction entre chercher à valoriser la culture québécoise et francophone, ce pourquoi travaillent énormément d’acteurs politiques, culturels et économiques, pour soudain cesser tout simplement pour des raisons de succès commercial.

Oui avec votre billet vous donnez un coup de pouce, mais certains choix du festival encouragent une certaine aliénation : nous pourrions être la vitrine d’une culture vibrante et différente d’ici et d’ailleurs, mais en mélangeant cela au «greavy» commercial et anglophone, on permet indirectement à nos gouvernements de le subventionner.

Comprenez que l’on ne critique nullement la programmation en ce qui a trait à votre groupe allemand TRÈS ORIGINAL, ni au «No Smoking Orchestra» de Zagreb et Belgrade, mais le fait que le plus gros événement culturel et musical de Québec, si ce n’est du Québec, présente une vitrine très anglaise, très pop de la culture.

Il y a une différence entre des subventions et des commandites pour qu’un festival puisse vendre ses laisser-passer 54 $ afin d’écouter The Black Eyed Peas et les 100 000 personnes qui avaient pu écouter gratuitement BV3, un groupe local, lors du FIJM 2008, laquelle foule a ensuite alors l’occasion d’apprécier un genre de musique différent en déambulant. Le mémorable retour d’Indochine avec Coeur de pirate est une vitrine beaucoup plus représentative et valorisante si l’on cherche à promouvoir le tourisme dans Capitale nationale.

Si effet, Québec offre une programmation qui ne reflète pas le bijou de cet ilot francophone et ouvert en Amérique, en quoi pourra-t-elle se distinguer d’Ottawa, de Winnipeg , de Windsor, Edmonton ou de Calgary?

Si le succès est immédiat, cela érode notre fierté à long terme, en quoi sommes-nous si spéciaux si nous répétons ce qui se fait ailleurs?

dimanche 9 mai 2010

Pour la culture


Gilles Laplante me demandait d'expliquer ce que j'entendais par «la culture devrait échapper à cette logique marchande»

Voici ma réponse :

Il y a une question de fond à votre interrogation Monsieur Laplante, il s'agit d'un enjeu philosophique et artistique : «qu'est -ce que la culture?»

La réponse est riche, complexe, plurielle, mais surtout, la culture se distingue de l'industrie, du commerce, des échanges mercantiles de ce qu'elle n'est pas un «bien» au sens immanent, mais une richesse au sens transcendant. Goethe je crois a dit : «la culture c'est ce qui se transmet d'une génération à l'autre», on pourrait aussi penser à Hegel et se référer au «Geist».

La différence donc entre culture et industrie, c'est que le promoteur, le producteur, voient le domaine culturel comme un espace de profit potentiel, un espace comme un autre, dans lequel ils se sont spécialisés pour «faire des affaires». La qualité d'une pièce, d'un artiste, à leur yeux, c'est le potentiel en terme de rendement économique qu'il représente.

Homère, Ovide, Socrate, Platon, Pic, Erasme, Cervantès, Rabelais, Molière, Lafontaine, Bach, Mozart, nous sont connus non pas parce qu'ils fracassent un niveau de vente, mais pour leur aptitude à exprimer le «beau», et le «vrai». Ce qui nous amène à parler d'art.

La quête créatrice, l'expression artistique a pour domaine l'absolu; le commerce, lui, est assujetti à la contingence, au déterminé : il est difficile pour lui dans ce contexte de savoir dépasser les paradoxes entre infiniment universel et l'infiniment local.

Les artistes ne «vendent» pas cela, c'est impossible, ils nous demandent un soutien pour qu'ils puissent consacrer leur vie à la recherche de la forme, de l'expression des découvertes sensibles qui les font vibrer.

Cela ne veut pas dire qu'un succès artistique ne peut-être commercial, ni qu'un succès commercial ne peut être artistique...

Vouloir que la culture échappe à la logique marchande, c'est accepter qu'elle n'appartienne pas au dictat de la rentabilité. Pour qu'un génie comme Gainsbourg, Ferré, ou Baudelaire émerge, il faut peut-être une armée d'artistes qui tentent leur chance.


Donc justifier un festival (ou une autre activité culturelle) à l'aune du simple succès commercial, c'est limiter la culture et l'art à une dimension relative extrêmement réduite par rapport à leur rôle humain véritable. Dans la situation d'une nation québécoise très fragile, la culture joue un rôle prépondérant, à la fois dans notre rayonnement, que comme espace de représentation.

En limitant les occasion de jouer un rôle culturelle, nous acceptons, culturellement d'être remplacés. Et comme en tant que nation minoritaire nous sommes politiquement, économiquement et socialement constamment remplacés, parce qu'intégrés dans un système politique qui est le reflet des institutions d'un peuple majoritaire qui n'est pas le nôtre, nous avons besoin des ailes que nous procure l'épanouissement artistique et culturel (parce qu'absolu et transcendant comme je l'ai dit plus haut).

Est-ce plus clair?

Si ça ne l'est pas, voici quelques lecture : il faut d'abord lire l'excellente critique de Baudelaire, «Le peintre de la vie moderne»


Un peu de Miron ne fait pas de tort :

«Je suis sur la place publique avec les miens

la poésie n'a pas à rougir de moi

j'ai su qu'une espérance soulevait ce monde jusqu'ici.»



Il n'avait pour armes que sa voix et sa voix tonnait haut :

«je radote à l'envers je chambrale dans les portes

je fais peur avec ma voix les moignons de ma voix.»

Avec simplement cela il va «s'arracher le colonialisme de la gueule»



Vous pourrez terminer avec Wilde (dans sa préface au Portrait de Dorian Gray) et vous aurez mieux compris ce que j'entendais par mon refus de l'aliénation de l'art par le commerce.



Nous pourrons plus facilement discuter à l'aune de votre interprétation de ces textes ou de textes de votre choix.

L'Engagé