mardi 30 mars 2010

encore un soupçon d'indépendance

Notre adhésion à la confédération s’est faite dans un contexte assez coercitif et le pacte en question n’est plus du tout à la hauteur des attentes que l’on attendait de lui. Je vous rappelle que nous étions (les francophones) en 1867 beaucoup plus importants. Ensuite les deux campagnes référendaires se sont faites dans la peur, beaucoup des arguments du Non ne tiennent en définitive pas la route. Et dans les deux fois, on y a retrouvé des promesses qui ne se sont pas réalisées.

On peut parfaitement choisir de préférer le Canada et y être attaché, mais ils faut comprendre que c’est collectivement préjudiciable à la capacité d’agir des Québécois. Je soupçonne beaucoup de ceux qui font ce choix de ne pas vivre quotidiennement dans le contexte canadien anglais du Québec ou du Canada. De ne pas voir que nous sommes vraiment deux peuples différents. Ce faisant, on oublie notre position minoritaire, laquelle crée la chicane dont vous parlez. Compte tenu de nos différences, il serait préférable d’être majoritaire sur notre territoire : on perd tous (Canadien et Québécois) à vivre dans des compromis, des structures lourdes et des dédoublements qui ne nous servent pas.

Faire cette démonstration est difficile et c’est une question d’éducation, car cela demande de considérer la sphère sociale, culturelle, littéraire et linguistique qui accompagne le débat politique.

J’ai remarqué (c’est une généralisation il y a des exceptions) que les tenants du NON avaient souvent un bagage technique ou administratif plutôt que social et que pour cette raison certains des enjeux de l’indépendance n’apparaissait pas dans leur réflexion. Une fois éclairée sur cette sphère, ils reconsidéraient.

Je n’en veux absolument pas aux Canadiens, mais je connais trop l’origine française de ma société, je suis nourris du terroir québécois et je suis trop complètement imprégné de l’art, des penseurs (Ferron, Vadeboncoeur), des écrivains, de la chanson québécoise pour me croire Canadien. Depuis Trudeau et l’émergence d’une idée multiculturelle et individuelle de la nation canadienne, il n’est plus possible d’exister comme nation québécoise sans que cette dernière ne soit qu’une simple dilution dans une plateforme qui nous est préjudiciable : le Canada c’est la protection de la minorité dans le dénominateur commercial neutre du modèle anglo-saxon. Il n’y a pas de place pour deux plateformes d’intégration, à terme les Québécois deviendraient une des minorités, tout simplement, comme les Chinois en CB.

Le bilinguisme dans un contexte d’une nation minoritaire assujettie au système politique que domine une autre nation, majoritaire celle-là, est un Cheval de Troie. Comme immigrant qui arrive au Québec, quel intérêt avez-vous à apprendre le français si vous pouvez apprendre l’anglais, fonctionner dans la métropole et avoir le reste de l’Amérique pour vous? Ce système n’est pas viable à long terme et le poids démographique des francophone diminuant, le poids politique s’amenuisant dans l’ensemble Canadien, ça devient de plus en plus dur. Le Québec comme petite nation indépendante pourrait bien plus aisément résoudre ce complexe rapport à la langue. S’il est vrai qu’on a du ménage à faire. le Canada nous coute trop cher que cela soit dit.

samedi 27 mars 2010

Indépendance, pourquoi en parler encore?

Voici l'ébauche d'un texte sur notre très québécoise question de l'indépendance.
L'Engagé était trop jeune pour voter en 95 et il croit sincèrement que beaucoup des problèmes que nous éprouvons proviennent de notre incapacité d'agir.

En effet, vivre c'est agir. Si l'on accepte ce postulat, on doit alors comprendre que la pérennité de la collectivité québécoise, du français en Amérique dépend des capacités d'agir de nos société.
L'incapacité de mener à termes certains projets (d'ailleurs pas toujours bons) est symptomatique des limites que nous nous imposons. Vous aurez compris que je m'intéresse à l'éducation et à l'environnement ; il nous manque quelques milliards à investir dans ces deux ministères (et dans des projets de la société civile), les avons-nous?

L’Allemagne est un grand pays et un modèle de tolérance et de démocratie. Le Danemark s’empresse-t-il d’y entrer? Les Danois sont 5,3 millions, les Allemands, autour de 80 millions.

Ça serait un suicide pour la nation danoise qui deviendrait une minorité politique, économique et culturelle, dans un ensemble politique où ses intérêts ne seraient plus ceux de la majorité. Les qualités du Canada n’en font pas un pays dont la structure politique est favorable à l’autorité politique nécessaire à la pérennité d’une collectivité québécoise dans une Amérique anglophone et dans un monde fortement commercial, postmoderne et américanisé. C’est cette logique qui prévaut dans notre recherche d’indépendance. Si les Canadiens voient cela comme une séparation, c’est pour les Québécois qui choisissent cette option l’occasion d’exercer une maitrises sur les instruments politiques (et ensuite culturels, économique, sociaux, légaux et linguistiques) nécessaires à une résolution personnelle (et non anglo-saxonne et multiculturelle) aux défis qui nous sont posés.

Si individuellement, certains Québécois peuvent profiter du Canada pour étendre leur influence, le poids démographique et la tendance rigide des institutions canadiennes empêche une telle influence de la part de la collectivité québécoise en son ensemble. Nous sommes une minorité. sur un gros territoire. L’enjeu, c’est de devenir une majorité dans un nouveau territoire.

Quand on parle de résistance, c’est celle de David contre Goliath ou des Gaulois contre les Romains si vous préférez la B.D. à la bible. On résiste à une Louisinisation de notre société, tout simplement.

Ce qui est honteux et favorable au statu quo, donc à une souscription d’une perte d’influence structurelle du Québec, c’est de croire que la confédération puisse marcher dans le sens des intérêt du Québec alors que le Canada est dirigé par une nation différente de la minorité Québécoise, l’histoire du Québec montre que tout progrès pour la société québécoise exige toujours des batailles et des énergies gaspillées.

Même si nous joignions nos voix et nos députés aux partis fédéraux, nous demeurons en minorité dans ces derniers, nous sommes toujours assujettis à un pacte qui nous est simplement défavorable.

L’indépendance est une option beaucoup plus susceptible de nous donner le contrôle des leviers de notre développement. Même si on reçoit de la péréquation (8 milliards) et des transferts (6 milliards ), la balance fiscale est défavorable pour des Québécois qui veulent faire les choses différemment des autres Canadiens. N’oublions pas, le budget (2009-2010) de la province est de 69 milliards alors qu’elle a la charge des ministères les plus couteux et le budget fédéral est de 283 milliards (lequel inclut les transferts, certes, mais le peu de services qu’Ottawa dispense aux citoyens, en comparaison des provinces, montre qu’il est un véritable gouffre financier.

Comme les politiciens franco-québécois au pouvoir à Ottawa nuisent plus qu’ils n’apportent au Québec (Trudeau, Chrétien), que ceux qui essaient échouent (Mulroney), devant un gouvernement fédéral à forte couleur régionale, les Québécois ont peut-être de bonne raison de préférer le bloc. Enfin, le Bloc ne s’est pas opposé à la coalition NPD-LIBÉRAUX, et c’est précisément ce soutien qui aurait torpillé l’entente. Cela étant dit, la hargne exprimée contre les ‘’séparatiss” a bien montré qu’ils ne sont pas les bienvenus au Pays. Or, pas un politicien, québécois ou autre, n’offre de solution fédérale au statu quo. Comme ce dernier est préjudiciable au Québec, aussi bien avoir une représentation qui en rend compte, il est donc difficile d'être contre le Bloc... Si nous devions accéder à l'Indépendance à moyen terme, nous aurions alors la preuve de sa raison d'être.

La perception canadienne

Si l’on est structurellement minoritaire et que l’on tient à avoir des politiques différentes, précisément pour permettre l’épanouissement d’un peuple qui a une culture, une langue et un droit différents du peuple majoritaire, s’il n’y a pas moyen de rénover les structures administratives et politiques par lesquelles cette minorité pourrait avoir plus d’autonomie (et les moyens de la réaliser), on sera donc perpétuellement perçu comme «chialeur».

Mais cette société, est-ce qu’elle est «chialeuse» parce que ses plaintes sont légitimes et qu’elles ne sont pas entendues ou parce qu’elle demande la lune? Depuis Duplessis (bien avant en fait, mais on se réfèrera ici à une période contemporaine pour éviter un trop long roman), nous avons des prétentions autonomistes. Contrairement aux autres provinces, ne demandons pas à Ottawa d’agir pour nous pour régler nos problèmes, nous cherchons au contraire à nous administrer d’une manière originale. Toutefois, Ottawa s’autorise un pouvoir de taxation plus grand que ses besoins. Par ailleurs, la tendance de chaque bureaucratie est de s’accroitre, Ottawa, dont le caractère centralisateur est bien connu n’échappe pas à cette règle. C’est pourquoi nous ne pouvons régler tous nos problèmes au cas par cas : la tendance canadienne à vouloir des solutions fédérales d’un océan à l’autre vient heurter la volonté québécoise d’offrir ses propres services. Pourquoi sommes-nous si entêtés? Parce que c’est la seule façon de garantir un certain épanouissement pour notre collectivité, notre culture, notre langue. Nous avons une identité particulière, nos politiques, notre droit doivent la refléter. La tendance d’Ottawa à centraliser, son pouvoir d’interférer dans les champs politiques, sa gourmandise fiscale et son pouvoir de dépenser heurtent le désir québécois d’agir de manière autonome pour développer notre société à notre façon.

Cette tension est tributaire de la structure du système, on peut régler les problèmes ponctuels, mais le problème qui institue la grogne en système se situe précisément en amont, il faut le corriger en amont. En dehors du parti Égalité, aucun parti moderne du Québec n’a nié le déséquilibre entre notre les aspirations du Québec et l’appétit d’Ottawa.

Voilà pourquoi la réponse se situe sur le plan constitutionnel.
Meech, c’était les conditions minimales pour que le Québec réintègre la confédération « dans l’honneur et l’enthousiasme », ces mots sont d’un fédéraliste convaincu : Robert Bourassa.

Meech a été torpillé. Il a suffi pour ça que le Manitoba et Terre-Neuve s’y opposent (par le biais d’ailleurs d’un processus assez peu légitime pour cautionner Meech : le Manitoba devait voir son assemblée l’accepter à l’unanimité, alors que Clyde Wells rescinde sa signature). Deux provinces, qui ne représentaient que 1,6 million de Canadiens ont suffi pour réduire à néant les efforts pour permettre au Québec de disposer de la structure qui aurait rendu le «chialage» caduc.

Les «séparatiss» (si vous voulez), les indépendantistes (ce que je préfère) se fondent sur cet événement pour faire la démonstration que le Canada n’est pas réformable : 5 % de la population du Canada a suffi pour bloquer une entente qui aurait pourtant pu nous satisfaire, c’était trop nous donner. Dans l’absolu, l’Ile du Prince Édouard a constitutionnellement le même pouvoir que le Québec avec une population de 141 000 personnes, soit 0,4% de la population du Canada.

Dans l’absolu, la solution qui conviendrait à une majorité de Québécois semble être de donner, à l’intérieur du Canada, plus de pouvoir au Québec. Mais comme je viens de l’écrire, le reste du Canada refuse cette possibilité (Charlottetown a montré la même chose que Meech), alors le constat simple et brutal, c’est que pour changer la situation du Québec, il faut changer toute celle du Canada; la réponse du Canada est qu’il ne veut pas changer. Par ailleurs, après le référendum de 1995, malgré les promesses (encore) de réformes, le ton s’est encore durci. Voilà pourquoi je prétends qu’il n’est pas réformable, c’est un dialogue de sourds.

L’ennui c’est que plus le temps passe, plus nous nous affaiblissons au sein de ce pays : notre poids démographique ne cesse de diminuer, notre influence politique également. Enfin, nous sommes dans une situation unique : la langue et la culture de la majorité avec laquelle nous avons un problème de partage des pouvoirs est la langue même du commerce international, des affaires et de la culture de masse. Pis, c’est la langue de la minorité dans notre propre province et enfin, cette confusion, ce bilinguisme au niveau fédéral, dans une Amérique anglaise, fait de l’anglais une langue non seulement plus attirante pour le nouvel arrivant qui s’installe à Montréal, mais il peut en plus gagner sa vie dans la métropole sans devoir maitriser le français. Ce cocktail est préjudiciable à l’épanouissement de la société québécoise, c’est pourquoi le statu quo est inacceptable.

Ne pas prendre position, être «contre la chicane», préserver le statu quo, c’est accepter une lente dégradation de notre condition et une marginalisation de notre société. À terme, nous rejoindrons le destin des autres collectivités francophones d’Amérique : un déclin tranquille.

Voilà pourquoi l’indépendance, la souveraineté ou la séparation est préférable. On «sépare peut-être le Canada, on se « sépare » peut-être, mais on gagne la liberté et la possibilité de nous développer pleinement selon nos choix et pas selon la contingence et les moyens d’une province. On gagne de nouveaux pouvoirs, de nouvelles expertises et de nouveaux champs (en ayant une voix à l’international) pour faire valoir nos intérêts.

On gère déjà ce qui est le plus compliqué et qui coute le plus cher dans les autres pays; nos programmes sont souvent imités et considérés comme novateurs.

J’ai le plus grand respect pour l’initiative de Bourassa ou Mulroney pour avoir au moins essayé, j’ai affirmé que si le Canada pouvait augmenter le succès d’un individu, comme Trudeau, ce n’était pas vrai sur le plan collectif.

Quant au bilinguisme, la seule province officiellement bilingue est le Nouveau-Brunswick, le Québec est, on le sait bilingue, officieusement : on peut avoir des services provinciaux, municipaux et commerciaux dans les deux langues et la minorité anglophone est tout sauf opprimée : un petit tour à Wesmount, sur le campus McGill, à Ville Saint-Laurent et Pointe-Claire vous convaincra. D’ailleurs, l’anglais se porte de mieux en mieux dans Outremont, Rosemont-La-Petite-Patrie, le Mile-End et le Plateau. L’administration politique fédérale est bilingue : n’allez pas me faire avaler que c’est le pays qui l’est, les autres provinces sont officiellement anglaise (de jure ou de fait)

Quant à la péréquation, c’est un programme particulier et nous pourrions un jour avoir à en payer : l’Alberta vient d’ailleurs de diminuer les redevances qu’elle exige pour l’extraction des sables bitumineux afin d’éviter de continuer à la financer. Mais il serait préférable que Québec récupère cet argent directement en points d’impôts et en taxes au lieu de recevoir indirectement ce qu’Ottawa perçoit. Comme je vous l’ai déjà écrit le budget fédéral c’est 283 milliards, le budget provincial, c’est 69 milliards, pourtant, on a le ministère de la Santé et de l’Éducation. On pourrait, avec notre fonction publique, facilement offrir les services qu’Ottawa dispense, et on n’aurait pas à payer le poids de deux administrations, et c’est certain que l’on envoie plus à Ottawa que ce 14 milliards qu’il nous retourne : les revenus autonomes de la province sont de l’ordre de 46 milliards. On doit certainement envoyer le tiers de cette somme à Ottawa; les taux d’imposition sont assez similaires (au Québec) entre le provincial et le fédéral.
Essayons pour voir : notre population est 23% de celle du Canada, en supposant que l’on soit des B.S et que l’on ne contribue qu’à 15% des 224 milliards de recettes du Canada, c’est encore 33,6 milliards que l’on envoie à Ottawa. Ça veut dire qu’en dehors des 14 milliards que l’on reçoit ( en péréquation et transferts) les services qu’Ottawa offre à la province et à ses citoyens coutent 19, milliards!

C’est une estimation, mais cela vous donne une idée. Notre ministère le plus couteux au Québec, c’est la santé et les services sociaux : 25 milliards. Ensuite, c’est l’éducation avec 14 milliards. Les autres ministères ne nous coutent ensemble que 18 milliards. Je pense donc que nous pourrions faire beaucoup avec les milliards que nous envoyons à Ottawa, nous avons déjà une fonction publique moins couteuse (les salaires sont inférieurs au Québec) et n’oublions pas les économies d’échelle. Alors quand on nous traite de B.S., je tique un peu. Ce qui est B.S., c’est le rendement du Fédéral. Aucune province n’offre autant de service et de ne les développe d’une manière aussi original que le Québec, à tel point que les jeunes anglophones de partout au Canada fuient la gentrification de leurs villes et viennent profiter de la qualité de vie qu’ils ne peuvent plus se payer dans leur province d’origine.

Enfin, parmi les 5 provinces B.S. qui touchent la péréquation le Québec est a deuxième province qui en touche le moins population, ainsi si l’on divise ce que reçoit chaque province selon son poids démographique en pourcentage, de manière à voir ce que coute chaque 1% de la population canadienne selon qu’elle est dans différentes provinces, c’est le Nouveau-Brunswick qui gagne, avec un cout de 700 millions pour ce 1%, ensuite, le Manitoba avec 504 millions, la Nouvelle-Écosse est troisième avec 410 millions et au Québec, ce même 1% coute 360 millions. L’Ontario en reçoit des miettes. Donc même si l’on reçoit 8 milliards, ça ne fait pas de nous les B.S. Par contre, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse ne financent pas à la même hauteur que la population du Québec le gouvernement fédéral. Comme ce dernier offre plus de services dans ces provinces qu’il ne le fait au Québec, mais comme le Québec doit aussi financer une part de l’État dont les autres provinces plus petites bénéficient, il est tout à fait mesquin de calculer ce que le Québec gagne en observant les transferts fédéraux. Il ne faut pas perdre de vue que le fédéral coute ( selon une estimation d’une contribution à hauteur
de 13% des revenus autonomes du fédéral) facilement 19 milliards aux Québécois, pour des programmes que nous gèrerions sans doute mieux.

En somme, on ne peut pas être pour le statu quo et prétendre vouloir le bien de la collectivité québécoise, la situation actuelle est toxique pour le Québec parce que fiscalement Ottawa empêche Québec d’assurer correctement la charge de ses compétences et parce que politiquement, le Québec n’est libre que dans l’exercice de certaines compétence. Son assujettissement au pacte fédéral l’empêche d’agir, de se développer , de prendre des risques, d’accumuler de l’expérience, d’apprendre. Toutes ses initiatives sont prises dans le grand soluté de l’administration canadienne, ce qui dilue notre rapport direct avec le reste du monde.

Vivre c’est agir; si on n’agit pas, on meurt à petit feu. Chaque fois que la société québécoise est remplacée par Ottawa, elle perd une occasion de croitre.



dimanche 21 mars 2010

Jean-François Lisée

Le pamphlet aime Jean-François Lisée...

Regardez la clarté de ce paragraphe:

Un autre signal aux intégristes

Il y a une différence entre la tolérance et le respect. La liberté religieuse comprend la liberté d’être intégriste. La liberté de conscience intégriste doit être tolérée — certainement dans le temple, l’église, la mosquée. Mais une société peut se donner le droit d’envoyer aux intégrismes de toutes sortes un signal clair : l’intégrisme est un comportement contraire à nos valeurs. Puisque nous sommes une société libérale et tolérante, nous tolérons la décision de certains de nos citoyens de vivre en marge de ces valeurs. Mais ils choisissent ainsi un comportement marginal que nos règles communes n’ont pas pour but d’inclure et de favoriser, mais plutôt de tolérer et, dans le respect des droits, de défavoriser.

Défavoriser comment ? Notamment en refusant un financement public à des organismes qui ont pour but de reproduire l’intégrisme.

Et on en vient rapidement aux questions scolaires qui, de plus, posent le problème des droits des enfants. Je le garde pour un autre jour.
Je vous invite à le lire au complet.

Correctif sur un graphique sceptique


Un blogueur, Christian Rioux (pas le journaliste émérite du Devoir, mais un homonyme, avouons-le, un peu plus ordinaire), se sert d'un graphique pour montrer que la thèse du réchauffement climatique ne tient pas debout.

L'ennui c'est que lui-même utilise des procédés qui sont à tout le moins imprécis :

Constatez, il y a quelque chose qui cloche avec son coloriage rouge, supposé représenter la proportion de la civilisation (il choisit de débuter avec la civilisation égyptienne). Le but de son graphique est de montrer que la terre a connu beaucoup de changements climatiques dans le passé. Par contre, ce qu'il néglige de faire, c'est de nuancer en montrant la rapidité des changements actuels, que l'on qualifie d'anthropiques; son énorme graphique ne permet pas de saisir la rapidité du phénomène actuel : les intervalles sont beaucoup trop longs. Pis, il place le début de la civilisation bien en arrière sur la ligne, par rapport à la place qu'elle devrait occuper si l'on décide de simplement respecter les proportions que devrait normalement découper son graphique. Ce faisant, nous sommes tentés de penser, à tort, que nous avons déjà connu de tel schangements.

J'ai replacé ces données sur un autre type de graphique pour prouver que son coloriage devrait commencer moitié plus loin. Ainsi, il devient plus évident que le temps que nous prenons à contribuer au réchauffement ne correspond pas à la moyenne naturelle. La petite colonne intitulée «réchauffement» correspond au 150 dernières années et couvre la période de réchauffement que l'on dit d'origine anthropique.

Dernier intervalle et proportion relative qui sépare les périodes de notre époque (2010 , notre époque est située à 0, le graphique recule vers le passé ver la droite)



Cette mise en perspective permet de voir que c'est visuellement sur un «micron», que nous nous sommes réchauffés de 0,6° ou 0,7° . Ce qui mérite tout de même que l'on continue à être vigilants.

vendredi 12 mars 2010

Bernier nous irrite...

De l'aveu de certains, Bernier (allez faire un tour si vous avez le coeur solide) a livré un brillant discours au Centre Manning pour le renforcement de la démocratie (quelle ironie), il cherche des solutions pour «vendre les idées conservatrices au Québec» (quel bon choix de mots...)


On pourrait presque y croire, toutefois comme député, Monsieur Bernier est responsable, voire imputable, des écarts que produit son gouvernement et ce dernier se comporte d’une manière si scandaleuse que la vitrine du conservatisme qu’il représente est souillée de plusieurs de ses gestes immoraux.

Juste dans le titre de sa conférence et dans le résumé : «vendre», «marketing» sont des termes que l’on peut assimiler à du maquillage, à une opération de relations publiques pour «recadrer» une mauvaise perception du conservatisme. L’ennui c’est que la perception de la population correspond à une vision malheureusement assez juste du gouvernement.

On a plusieurs types de relations publiques, mais parmi les principales, on a celles qui cherchent à montrer les choses telles qu’elles, qui servent de filtre pour éclaircir un problème de perception et on a celles qui proposent une autre vision de la réalité, parce que la réalité est désagréable et qu’on veut éviter que le public la voit.

La communication de Monsieur Bernier me semble viser ce but : on a un problème d’image parce le gouvernement est ignoble; Harper souffre d’un grave problème de transparence, sa relation avec les médias est toxique et enfin il favorise une inquiétante polarisation du pays.Ce faisant, on ne peut se servir du bilan du gouvernement pour vanter l’idéologie que ce dernier nourrit.

Si on juge donc les idées conservatrices d’après leur messager, on ne peut qu’être extrêmement déçu et sceptique; les conservateurs nous mènent au désastre, ils sont réactionnaire et fortement prisonniers de leur grille idéologique : militarisme, durcissement populiste des lois, utilisation abusive de l’appareil d’état, dissimulation, contrôle de l’information, prorogation, négation, mensonge et manipulation des faits (pensons aux allégations de torture) et mépris de l’environnement ne sont que la pointe de l’iceberg.

Enfin, Monsieur Bernier prône moins une décentralisation de l’État et d’une dissimulation de son rôle comme une fin en soi pour plus de liberté que parce que ce démembrement profiterait au grand capital, aux décideurs économiques et aux corporations déjà puissantes envers lesquels Monsieur Bernier est complaisant.

Son analyse est d’ailleurs sidérante : «J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour ce que M. Manning a accompli, mais malheureusement, il n’a jamais réussi à s’exprimer en français de façon à pouvoir s’adresser directement aux Québécois pour changer ces perceptions négatives. Le parti ne comptait que sur une poignée de partisans au Québec, et aucune figure connue, pour expliquer en quoi les propositions réformistes auraient pu être à l’avantage du Québec»

Alors qu’en fait, une partie des racines de ce parti étaient profondément régionales et partageait des liens avec «L’Alliance pour la préservation de l’anglais au Canada (en anglais: The Alliance for the Preservation of English in Canada (APEC)) [...] un groupe canadien de lobbying politique faisant campagne contre la politique de bilinguisme officiel.» Par ailleurs, on voyait là distinctement le germe d’un parti réactionnaire, antiavortement, homophobe et prompt à traiter de «socialistes» (avec toute la charge péjorative possible) des politiques plutôt centristes. On s’entend qu’il n’y a rien de sexy là-dedans.

Alors quand on connait la tendance d’Harper de contrôler et manipuler l’information on trouve très inquiétant la prétention de Monsieur Bernier qui référence à la pub, et qui dit que « pour vendre exactement le même produit, [d]es campagnes utilisent un thème dans les régions anglophones du pays, et un autre en français. Les entreprises considèrent qu’il est nécessaire d’avoir deux stratégies de marketing différentes pour rejoindre ces deux marchés différents.

C’est d’abord l’aveu clair des deux solitudes, mais c’est ensuite la preuve d’un calcul traduisant une pensée machiavélique et cynique : c’est dire que l’on peut avoir deux visages. On peut avoir cette stratégie pour vendre des bonbons, pas pour se présenter avec transparence à la nation. S’y adonner, c’est admettre que l’on veut le pouvoir pour le pouvoir…

Enfin, cette tendance à jouer avec la vérité a des échos dans les références au développement économique antérieur à la Révolution tranquille, s’il y avait création de richesse, elle était TRÈS INÉGALEMENT DISTRIBUÉE et que ce système était très corrompu. Les enquêtes d’ailleurs sur la corruption dans la construction au Québec invalident d’ailleurs le slogan vide de Manning : « Un dollar qu’on laisse dans les mains des consommateurs, des investisseurs, des entrepreneurs ou des contribuables est plus productif que le même dollar dans les mains d’un bureaucrate, d’un lobbyiste ou d’un politicien. »

D’abord c’est démagogique de mettre le politicien dans le même panier que le lobbyiste, ça entretient le cynisme, ensuite c’est élever la réussite politique au seul succès de l’aspect de la réussite économique, laquelle, on le sait, n’est pas partagée dans la société.

Sans transparence le projet de Manning encourage le vol des contribuables par des entrepreneurs qui corrompent les politiciens, ensuite le projet de charcuter l’État empêche ce dernier de réagir, pensons notamment à la pénurie d’inspecteurs par rapport l’ampleur travaux sur les infrastructures, ce qui revient à encourager le vol des deniers publics.

Sauf que cette transparence bafouée par le parti conservateur actuel, les médias sont unanimes pour décrier combien cette emprise sur l’information est dangereuse pour la démocratie.

Monsieur Bernier nage donc en pleine contradiction, s’il croyait vraiment en les principes qu’il défend dans sa communication, il aurait à critiquer ses pairs bien plus sévèrement. À partir du moment où on remet ainsi en question sa véritable loyauté : il préfère être loyal à son parti plutôt qu’à ses valeurs démocratiques, on peut douter de sa bonne foi, et de là, voir dans ses positions un jeu pour certains acteurs de la société (le monde de l’argent) à celui des gens ordinaires.

Et pour terminer, en se présentant comme le plus typique représentant de la Beauce, il a été chercher la fierté régionale, il s’est présenté comme la volonté d’une collectivité. Cette dernière s’est rangée derrière lui et l’a soutenu parce qu’à travers ses démêlés, c’est la région qui était attaquée. Monsieur Bernier est donc un habile politicien qui sait gagner les concours de popularité. Mais qu’il n’aille pas croire qu’il fut élu à cause de la qualité de ses idées.

La substance de ses dernières me semble d’ailleurs de la même nature que ses errements passés et son entêtement à préférer la forme au fond me semble d’ailleurs avoir provoqué sa première chute politique.

Alors quand il nous sort du vocabulaire comme par exemple « subsidiarité », et qu’il lie cette question à une troisième voie pour tous ceux voudraient autre chose que le nationalisme québécois ou le centralisme canadien, il ignore non seulement qu’il faut pour cela faire des changements constitutionnels pour que son concept soit structurel, mais il joue avec la vérité : son gouvernement laisse les provinces s’étouffer avec leurs dépenses pendant que lui accumule un tel déficit que lorsqu’il sera enfin temps de s’en occuper, la marge de manoeuvre des provinces pour régir leurs propres compétences aura été diminuée par l’étranglement structurel des budgets du pays. C’est à dire que Ottawa sera forcé, s’il n’hausse pas les impôts, de couper dans les transferts ou dans les services.

Le déséquilibre sera tout aussi grand avec les provinces, lesquelles ne pourront surtaxer les citoyens pour compenser la perte de revenu. Le déficit politique aura été remplacé par une perte de pouvoir économique… quel gain!

L’Engagé

mardi 9 mars 2010

L'Engagé vous présente un engagé

Voici Cédric Ringengach. Il blogue ici.


mardi 2 mars 2010

Quelques propos sur les GES

Ce billet a pour but de corriger certaines idées reçues. On s'en prend ces derniers temps au consensus sur les GES, et l'on discrédite de plus en plus souvent la corrélation entre GES et réchauffement global. On utilise, de surcroit, la critique de ceux qui saisissent l'ampleur du réchauffement climatique pour également diffuser de fausses croyances à l'égard de la gauche, que l'on qualifie paresseusement de gogauche, quand on ne les traite pas simplement de «communistes». Enfin, on égratigne également certains critiques québécois, de la gauche ou encore des environnementalistes , en faisant la promotion de l'exploitation des sables bitumineux comme un processus d'enrichissement collectif que nous ne devons surtout pas risquer d'enrayer. La sortie de Monsieur Bernier est symptomatique de cette tendance. Tous ces propos ne rendent ni service à la société, ni à l'économie, ni ne servent l'environnement.


Tout d'abord, on a beaucoup mis en cause la véracité du rapport entre GES et réchauffement climatique. Il faut savoir que «corrélation» ne veut pas dire implicitement «lien direct de cause à effet». Un super site, qui fait de la très bonne vulgarisation, pourra d'ailleurs en éclairer plusieurs sur le sujet. Il semble pourtant subsister une contradiction : sur une échelle de temps géologique, l'augmentation des températures précède d'ordinaire celle du CO2. Pourquoi s'en fait-on maintenant que le CO2 est en augmentation alors que la température globale ne suit pas directement, comme certains modèles l'avaient prédit? N'est-ce pas la preuve que le réchauffement d'origine anthropique est factice? N'aurions-nous pas crié au loup pour rien?

http://cedric.ringenbach.com/2009/07/19/correlation-entre-co2-et-temperature/

D'ordinaire, c'est l'augmentation de la chaleur qui fait fondre la banquise et diminue l'albédo (le processus de réflexion des rayons de la planète) et qui génère une augmentation du CO2 naturellement stocké (dans la terre et l'océan). Ce qui caractérise notre période, c'est que nous avons libéré suffisamment de CO2 (et autres GES) pour que celui-ci précède une augmentation de la température qui soit d'origine naturelle (les fameux cycles de variation de l'inclinaison de la Terre dans sa révolution et les cycles de variation de l'intensité du rayonnement solaire). C'est précisément le caractère sans précédent de l'événement qui nous inquiète.

Ceux qui réfutent l'existence d'un quelconque réchauffement utilisent l'argument de l'optimum médiéval, qui se résume à « il a déjà fait plus chaud », l'argument que nous leur opposons est le suivant : certes, il a déjà fait plus chaud, mais à cette chaleur correspondait aussi un certain niveau de GES (lequel était inférieur au niveau actuel) et ce réchauffement était d'origine naturelle, rien n'est venu entraver la régulation naturelle (comme le Petit Âge glaciaire, qui a suivi cet «optimum»). Ce qui est alarmant, c'est que notre climat se soit réchauffé, que cela représente une tendance sur tout un siècle (donc un phénomène vérifiable, mais surprenant à l'échelle d'un temps géologique) et que l'on puisse corréler le phénomène à l'augmentation des émissions de GES d'origine humaine, et qu'enfin, toute cette thèse repose sur une explication rationnelle légitimée par notre compréhension de la physique, de la chimie et des sciences climatiques.

Les «croyants » du réchauffement, pour reprendre un terme péjoratif nouvellement répandu, le sont d'autant plus qu'ils se basent non pas sur des éléments religieux, des idéologies ou des dogmes, mais sur les prémisses qui sont sensiblement les mêmes que celles que nous ont expliquées Mendeleïv, Lavoisier ou Newton. Les «sceptiques»évacuent l'aspect scientifique de la position «réchauffiste» et en font simplement une croyance. Les «réchauffistes» de leur côté signalent que la croyance a peu à voir avec le phénomène : on ne peut empêcher la physique et la chimie à faire leur boulot.

Alors que si nous restons dans le domaine de la croyance, disons celui de la religion, vous pouvez, par exemple, bien croire que je vais brûler en enfer si je fais certains péchés, vous n'avez pas d'évidence expérimentale pour me convaincre rationnellement, vous admettez que votre conviction repose sur la foi. La science, elle, en ce qui a trait à son champ d'expertise, peut en arriver à faire suffisamment d'expérimentations et de vérifications théoriques qu'elle arrive à pouvoir faire des assertions qui ont une telles validité, qu'elles ont une grande valeur prédictive. La conviction, dans ce cas, réside dans l'expérience et non dans la croyance.

Si un nouveau paradigme, de nouvelles expériences et/ou de nouvelles théories viennent invalider une explication que l'on croyait acquise, devant l'incapacité à expliquer un nouveau phénomène, le scientifique devra changer son fusil d'épaule et accepter la théorie la plus satisfaisante. Les «croyances» sont donc, en science, mobiles, mais elles ne changent pas au gré des humeurs, elles changent parce que nous développons plus d'acuité.

C'est au nom de cette logique, c'est pour répondre à cette cohérence que les scientifiques vont «réagir promptement à une opinion contraire». Si une opinion «contraire» à ce que permet de vérifier un ensemble d'énoncés scientifiques est proposée, elle doit être très fortement appuyée et méthodologiquement solide pour renverser ce que l'on assumait scientifiquement comme une évidence.


Les incidents éthiques du CRU et du GIEC sont malheureux, ils témoignent également peut-être d'une manipulation, mais ils ne sauraient constituer de preuves en soi. Les utiliser comme évidence est tout aussi fallacieux que les torts qu'on leur reproche. Le CLIMATEGATE, seul, ne peut suffire à invalider la corrélation entre GES et réchauffement climatique. Toute sortie favorable aux thèses sceptiques, même dans le scandale, devrait être accompagnée d'études rigoureuses et d'analyses fines. La sortie «sceptique» de Monsieur Bernier ne comportait ni l'une ni l'autre.


D'autre part, pour reprendre des commentaires critiques courants à l'égard des diverses propositions d'une gestion étatique plus serrée et plus investie des retombées financières de l'exploitation des ressources naturelles, il vaut la peine de retourner contre elle-même la fameuse logique néolibérale (voire néoconservatrice) :

Qu'est-ce qui légitimise l'État, au nom des citoyens, à permettre à des entreprises privées de s'approprier des ressources pour lesquelles il est impossible de statuer de la véritable propriété? À qui appartient le sous-sol albertain? Aux Premières Nations, aux premiers habitants de la région, au Albertains, aux Canadiens, aux Terriens? Je vous rappelle que les compagnies qui exploitent les sables bitumineux peuvent, en vertu des clauses de libre-échange vendre directement du brut aux américains. Ce faisant, nous nous privons d'une importante marge en nous privant d'une partie des ventes des produits raffinés, pis, nous perdons des raffineries (ex. Shell qui ferme dans l'Est de Montréal). Plus absurde, l'oléoduc qui sera utilisé pour acheminer ledit brut pourrait compromettre la santé et la sécurité d'une part importante du territoire québécois.

http://www.cyberpresse.ca/la-voix-de-lest/libre/201002/13/01-949341-mulcair-craint-pour-lenvironnement.php

Par ailleurs, l'exploitation comme telle des sables bitumineux est extrêmement polluante : il faut ajouter à son potentiel contaminant, l'effet conjugué de la perte sèche du tampon naturel que constitue cet immense territoire à la suppression du puits naturel que constitue la forêt boréale.

De telles transformations entrainent des conséquences pour tous les citoyens, et si vous acceptez la thèse du réchauffement anthropique, vous devez automatiquement accepter que l'industrie des sables bitumineux génère des effets extrêmement négatifs : disparition du puits de la forêt boréale, impact sur la biodiversité, émissions de GES dès l'extraction et pour le transport, émissions pour les chauffer, gaspillage et contamination de l'eau pour les laver, pollutions à cause de tous les produits chimiques utilisés lors du processus, contamination aux métaux lourds à toutes les étapes et enfin, effets indirects : émissions et pollutions lors du raffinage et ultimement, émissions de GES lors de la consommation de l'essence produite.

Comme toute personne de bonne foi le constate, le bilan des émissions et de la pollution attribuable à la production de pétrole à partir des sables bitumineux est gargantuesque. Un tel bilan à de tels effets, qu'il est forcément de nature publique et concerne la société civile dans son ensemble, des enjeux économiques, d'environnementaux, sociaux et de santé publique sont donc corollaires à ladite exploitation.

On ne peut donc raisonnablement laisser cette question aux mains du marché. Le privé poursuit son propre intérêt : généralement la réussite, le profit individuel (le tout dans un climat de compétition), et ce, au détriment du collectif. Les politiciens, qui , comme Harper ou Bernier, veulent nous faire avaler la couleuvre qui prétend que cet enrichissement des particuliers est prompt à créer de la richesse pour tous, nous induisent en erreur. Même en état de prospérité, la lutte pour obtenir son bien exige ensuite un repli sur soi, où le repos est obtenu par des récompenses que seul un haut statut social permet d'obtenir. Plus on monte dans la hiérarchie sociale, plus on devient méritant (parce qu'on peut se payer plus). Cette façon de faire institue implicitement des grilles où les citoyens se comparent pour jouir de leur bonheur. Ce dernier ne peut donc être permanent et l'insatisfaction stimule alors à nouveau la lutte. Cet état de combat, de compétition ne peut qu'exacerber l'individualisme. C'est pourquoi un individu le moindrement instruit à son égard craint un marché dérèglementé : il mine le tissu communautaire, rabaisse la fonction citoyenne à celle d'une clientèle et propose la consommation comme seul projet social.

Vous comprendrez donc, à l'aune cet argumentaire, que la question des revenus liés à l'exploitation des sables bitumineux doit nécessairement passer par l'État et que par ailleurs, ce dernier doit s'assurer de financer suffisamment de mesures et d'infrastructure qu'il doit pallier les effets monstrueux de ladite exploitation.

Le propre du privé est justement d'être «privé», d'être autonome et libre vis-à-vis du public. Regardez comment Yves Michaud doit se battre pour faire valoir ses droits et pour protéger les petits actionnaires, prenez note du mépris des entreprises comme Monsanto, qui étouffe les petits fermiers ou de la Barrick Gold qui se permet des poursuites-baillons. Quand l'intérêt privé prédomine dans une société, il n'est plus possible de rendre des comptes.

L'État n'est pas parfait, mais il est imputable, responsable et se doit d'être transparent. Les grandes entreprises privées ne l'aiment pas précisément parce que ce dernier est le seul ayant suffisamment de pouvoir pour les contrôler. Vous pouvez toujours contrôler l'État, du moins par les élections et les médias. Ou du moins, le surveiller...Si vous diminuez son rôle, vous augmentez celui des entreprises qui cherchent avant tout leur profit. L'État cherche d'abord celui de ses administrés. Enfin, le gouvernement de Monsieur Bernier est en ce moment même en examen pour sa tendance à contrôler, à retenir les informations en dépit des lois, mais nous avons au moins le pouvoir de le soumettre à des mécanismes de régulation. En investissant dans l'État plutôt que dans le privé, nous garantissons que nous aurons toujours un droit de regard, et nous nous assurons que l'équivalent du «profit» que ferait une entreprise privée demeure dans la société (par de meilleurs salaires, de meilleures conditions, un meilleur suivi ou de meilleurs services), sauf évidemment si un gouvernement se met à saboter les moyens de cet État...

Investir dans les technologies, les infrastructures, les habitudes et l'agriculture verte est donc garant d'un enrichissement collectif; investir dans des transports de qualité l'est tout autant. Toutes les grandes villes et les gouvernements subventionnent les transports en commun, ce qui dynamise les échanges. L'argent des contribuables qui dépendent des transports en commun demeure donc dans la collectivité, plutôt que d'enrichir seulement les producteurs de voitures ou de pétrole. La ponction des impôts de tous les contribuables permet un investissement, qui génère un véritable effet de levier, que les citoyens atomisés ne sauraient utiliser autrement. Aucune entreprise ne pourrait réaliser de tels efforts, car elle recherche d'abord et avant tout du profit, et ce profit, elle ne peut le réaliser en immobilisant l'argent dans des chantiers aussi vastes.

Enfin, même Prentice est d'accord avec l'énoncé : « Les investissements dans le transport en commun ne feront pas que créer des emplois et stimuler l’économie; ils nous laisseront aussi un réseau durable qui ouvrira la voie au développement et à la prospérité de Calgary [...] En incitant davantage de gens à utiliser le transport en commun, nous contribuerons à réduire au minimum les émissions de gaz à effet de serre et la congestion et nous améliorerons la qualité de vie et l’environnement des personnes qui habitent la région. »

« En encourageant les gens de Calgary à utiliser le train double de type C, cet investissement majeur contribuera à l’amélioration de la sécurité routière pour les utilisateurs de véhicules motorisés et les piétons ainsi qu’à la réduction des émissions de gaz carbonique de la province, a dit la ministre Redford. Cela contribuera aussi à la création et à la conservation d’emplois en Alberta. »

« Il s’agit d’un important partenariat entre les trois ordres de gouvernement. Nous adoptons une mesure qui stimulera immédiatement la création d’emplois et investissons pour améliorer la mobilité d’une façon qui aura des avantages durables pour notre compétitivité économique dans l’avenir. L’expansion de notre réseau de transport en commun et la modernisation de notre système sont vitales pour l’environnement et pour notre qualité de vie », a dit David Bronconnier, maire de Calgary.



source : http://www.buildingcanada-chantierscanada.gc.ca/media/news-nouvelles/2009/20090519calgary-fra.html


Comment Monsieur Bernier concilie-t-il cette apparente contradiction? Il nie précisément la nécessité d'agir contre les GES en mettant en doute la thèse d'un réchauffement alors que le ministre de l'Environnement du cabinet de son gouvernement accumule du capital politique dans un projet dans lequel il prend spécifiquement acte de la nécessité de réduire les émissions.

On constate donc que même les conservateurs appuient l'État dans son offensive pour développer et investir dans le développement durable, en l'occurrence ici dans les transports en commun. Devant les défis sociaux, médicaux et environnementaux auxquels nous sommes confrontés, nous devons penser l'exploitation des sables bitumineux d'une manière responsable. On doit investir les retombées dans un ensemble de mesures promptes à faire avancer la société : on doit utiliser cet argent pour les écoles, pour les bibliothèques, pour favoriser l'agriculture biologique et la rendre accessible, pour construire entretenir des infrastructures sportives, pour favoriser les arts et l'épanouissement de la culture, pour la recherche et le développement, bref on doit «laver» ces sables en investissant dans des mesures pour améliorer la santé et le bonheur des citoyens. Autrement dit, on doit se servir de l'argent généré par l'exploitation desdits sables pour «racheter» en quelque sorte le bilan négatif que l'extraction et la consommation, encore nécessaire au demeurant, me manquent pas de provoquer.

Si on ne fait que profiter de la manne sans l'investir, nous gaspillons d'une manière honteuse ce que la nature avait mis à notre disposition. C'est comme si nous mangions la poule aux oeufs d'or. Par ailleurs, nous ne devons pas oublier que les richesses dont nous faisons l'extraction sont un emprunt aux générations futures, nous n'avons pas le droit dilapider stupidement un tel capital.



L'engagé