vendredi 26 novembre 2010

« Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu
momentanément féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se
désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les
marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison;
car, à moins qu'il n'apporte dans sa lecture une logique
rigoureuse et une tension d'esprit égale au moins à sa
défiance, les émanations mortelles de ce livre imbiberont
son âme comme l'eau le sucre. »

-Lautréamont, Maldoror, Chant Premier



Définitivement je ne m'habituerai jamais aux bouillonnements que Gesca provoque chez moi. Comme l'endos des boites de céréales, il est parfois difficile de ne pas lire l'emballage du papier cul, c'est-à-dire l'éditorial. Ainsi, si le discours anodin des boites de céréales stimule l'appétit, les éditoriaux de La Presse stimulent autre chose...


Ainsi, pendant que Cardinal dit «vert»,
Dubuc affirme le contraire... et se sert du dossier des gaz de schistes pour vomir son fiel sur l'attitude québécoise «de refus».

Permettez moi de coller des fragments de sa pensée : nous aurions une attitude négative qui serait constitutive d'une véritable arriération économique, nous souffririons d'un entêtement, d'une «résistance au développement, une méfiance du secteur privé, une opposition sourde à la dynamique de la création de la richesse ».

S'interroge-t-il ce Dubuc des investissements de son patron, Paul Desmarais, au Québec après que ce dernier ait vendu la Consolidated Bathurst qu'il avait pourtant acquise avec l'aide de nos institutions financières québécoises?

S'il y quelqu'un qui est frileux au Québec, c'est bien le propriétaire de Gesca...

Dubuc fait un amalgame pernicieux : « Ce qui s'exprime, c'est plutôt une culture du "non", soit une opposition franche, soit le désir de reporter les enjeux à un avenir indéterminé, qui est souvent une forme de refus. Tout cela s'est cristallisé autour d'une demande de moratoire, qui a pris valeur de symbole, qui est devenu une fin en soi. Le véritable enjeu, ce n'est pas qu'il y ait ou non un moratoire, mais que le développement du gaz ne soit autorisé que si on en connaît les impacts et si on peut proposer un encadrement acceptable ».

Sans être un journaliste, j'ai fait ma propre enquête dès le mois de juin, et j'ai écrit à Madame Normandeau qu'elle jouait un jeu dangereux avec son appui indéfectible envers les minières. Je n'invente rien, les preuves du parti pris étaient étalées en toute franchise dans le magazine L'actualité, dans un numéro du 5 juin qui présentait un dossier absolument complaisant sur la ministre et les hydrocarbures. Par après, j'ai eu une conversation avec monsieur Claude Duplain, son attaché politique, lequel m'a garanti que la fracturation serait faite dans le respect de l'environnement. Pourtant, pendant qu'il me parlait pour me rassurer, des puits étaient forés au Québec par les mêmes entreprises qui utilisent des produits assez particuliers et des méthodes pour le moins violente, on sait aujourd'hui que des centaines de puits de citoyens ont été contaminés en Pennsylvanie, en effet, la méthode de la «fracturation hydraulique» utilisée pour soutirer les fameux gaz se sert d'un cocktail composé de produits chimiques «dont la recette est secrète» :

«Precise details about the nature and cause of the contamination, as well as the extent of the plume running in the aquifer beneath this region 150 miles east of Jackson Hole, have been difficult for scientists to collect. That’s in part because the identity of the chemicals used by the gas industry for drilling and fracturing are protected as trade secrets, and because the EPA, based on an exemption passed under the 2005 Energy Policy Act, does not have authority to investigate the fracturing process under the Safe Drinking Water Act.»

(source : Abrahm Lustgarten, ProPublica - August 25, 2009 1:36 pm EDT)

Pourtant, Monsieur Duplain a m'a promis qu'il me tiendrait informé et qu'il m'enverrait toute la documentation dont dispose ses fonctionnaires pour que je voie, comme lui, que l'extraction pouvait se faire sans danger. Je n'ai jamais rien reçu, pire, on apprenait lors du début des audiences du BAPE que les fonctionnaires québécois n'avaient que peu d'information et qu'ils comptaient sur l'industrie.

Le bureau de Madame Normandeau avait donc bel et bien été intoxiquée par les minières, les gazières et les pétrolières, il est donc normal que devant le sacrifice du bien commun (la santé, la jouissance de nos demeures, de notre eau, la préservation de nos ressources collectives et surtout le principe démocratique d'une certaine égalité de moyen entre les citoyens et l'industrie), que nous nous rassemblions pour opposer un refus ferme au viol de certains principes que nous tenons pour fondamentaux.

CE N'EST DONC PAS CONTRE LE DÉVELOPPEMENT QUE LES QUÉBÉCOIS S'OPPOSENT, MAIS CONTRE L'INJUSTICE, LE MÉPRIS ET LE VOL.

La ministre avait amplement la chance de jouer le rôle d'arbitre entre l'industrie, l'environnement, le développement et les citoyens. Elle a choisi le rôle de la vendue. Grand bien lui fasse, mais que l'éditorialiste de sa Pravda ne se mêle pas de nous faire la leçon.

Sait-elle que son attaché politique, pour me clouer le bec, m'a menti? En effet, ce dernier a prétendu qu'André Belisle de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique approuvait l'exploitation des gaz de schiste et que ce faisant, je m'inquiétais simplement parce que j'étais mal informé. Je répliquais que je connaissais suffisamment le dossier pour savoir que le gouvernement justement ne pouvait pas en savoir plus que le gouvernement américain, lequel avait justement mandaté l'Environmental Protection Agency d'enquêter pendant deux ans, c'est précisément parce que l'évidence de la nocivité des pratiques de fracturation est manifeste que l'intérêt public commande que l'on n'en sache un peu plus. J'ai demandé à vérifier l'information et voici ce que Monsieur Belisle m'a répondu :

«Tout d'abord ici il ne peut être question de faire confiance ni aux compagnies ni aux ministres, il faut de la transparence et de l'information vérifiée et surtout respecter la population et non la BULLDOZER pour les profits des compagnies.

Nous demandons toujours un moratoire et une audience générique pour voir si on peut dégager des pistes de solution. Nous sommes encore bien loin d'avoir une opinion semblable à madame Normandeau mais nous n'écartons pas totalement la possibilité de pouvoir produire du gaz sans mettre en danger les gens ou l'environnement. Mais c'est certainement bien bien moins que l'ambition des compagnies démontre.

Mais comme l'affaire est très mal engagée nous doutons que la logique puisse prévaloir et nous nous débattrons pour que cela arrive si possible.

Dans tous les cas il faut tout arrêter pour éviter les absurdités qu'on voit et entend tous les jours...»


Si Normandeau ne m'a pas menti en personne, malgré un courriel que je lui envoyais et qui lui montrait que j'étais un citoyen averti (attention lecteur, cet extrait est assez long et contient lui aussi un extrait) :

«Au cas où vous ne seriez pas au courant, Vanity Fair et Propublica enquêtent sur les méfaits du fractionnement hydraulique; les preuves sont évidentes que ces techniques sont loin d'être celles prétendument sans dangers, comme l'a pourtant affirmé la ministre :

"Dans le domaine du gaz, les gens se demandent si on cause préjudice aux nappes phréatiques lorsqu'on fait un forage. La réponse est non. Est-ce que les substances auxquelles on a recours pour forer sont polluantes? La réponse est non"

Je vous invite à prendre connaissance de ces articles (j'avais inséré des liens), trop denses pour être résumés, sachez simplement qu'ils exposent indubitablement la nocivité de la technique de fractionnement hydraulique ou du moins la remettent suffisamment en question pour commander des études environnementales approfondies. Devant le poids de ces évidences, ou Normandeau n'est pas au courant des dangers et se fait manipuler par les lobbys de l'industrie, ou elle est au courant et manipule la population, il se pourrait aussi qu'elle connaisse simplement très mal le dossier.

Dans tous les cas, la santé des citoyens et de l'environnement pourrait être gravement compromise, autoriser malgré tout la prospection sans un cadre extrêmement rigide et un examen du BAPE serait très dangereux pour la carrière politique de Madame Normandeau, on ne joue pas avec la santé. L'information étant disponible, Madame Normandeau ne peut autoriser le recours à cette technique sans afficher du même coup soit de l'irresponsabilité, soit de la duplicité.

J'espère que Madame Normandeau lira quelques articles de Propublica et le reportage de Vanity Fair et qu'elle prendra mon avertissement au sérieux; elle jouit d'un capital politique impressionnant, qu'elle ne le gaspille pas pour un "plat de lentilles".»

Normandeau ne m'a pas personnellement menti, elle a laissé son attaché politique le faire. Le pouvoir a été jusqu'à détourner sciemment la parole d'un tiers pour se débarrasser d'un citoyen trop curieux. La duplicité de Normandeau, je l'ai constaté personnellement, j'en ai fait l'expérience.

Si l'industrie a fait son lit dans son puissant ministère, comment, avec les informations dont nous disposons pourront nous faire confiance au développement? Nous serions de véritables nouilles de ne pas nous opposer à cette corruption, d'autant plus que l'industrie est inondée d'ex-travailleurs gouvernementaux libéraux et que parti libéral « grenouille » lui aussi d'une invasion en règle de cette engeance cancéreuse, « schistique ».

Personne ne peut nous protéger sinon les médias et voilà qu'avec l'éditorial de Dubuc, on a la preuve par mille que Gesca ne défend pas l'intérêt public et ne joue pas son rôle de quatrième pouvoir ou de chien de garde de la démocratie. En effet, je ne suis pas journaliste, je suis un simple travailleur curieux et j'ai pourtant, sur mon temps libre, réussi à me forger la conviction solide que le dossier des gaz de schiste est un dossier pourri pour le Québec. On dirait d'ailleurs que Dubuc a oublié de préciser que nous nous étions d'ailleurs fait avoir par l'allocation des «claims», la Colombie-Britannique ayant su tirer brillamment profit de ce que nous donnons ici à l'industrie.

Retranchant cet important élément, Dubuc surenchère pourtant dans son mépris : «Dans cette logique du refus, il y a, à mon avis, une certaine dose d'immaturité collective. Les perspectives économiques et fiscales du Québec pour les années à venir n'ont rien de rassurant, comme vient de nous le rappeler un peu grossièrement le Conference Board. Jusqu'où le Québec peut-il dire non à une source de croissance économique et de revenus fiscaux?»

Et si, au contraire, nous étions plus matures, plus intelligents et plus intègres, et surtout, peut-être sommes-nous simplement écoeurés de la fange dans laquelle nous enterrent les amis de Dubuc pour ne pas avoir en plus envie de la boire, dans les journaux ou physiquement, dans notre eau?

Que Dubuc publie des inanités c'est son droit. Mais de grâce, s'il est si dur pour lui d'être méprisable, vil et pitoyable, il n'est pas obligé de noircir le portrait des Québécois juste pour endurer sa propre bassesse. Qu'il côtoie plus assidument Pratte, Picher et ses patrons, et il aura moins besoin de noircir notre portrait collectif pour endurer sa propre médiocrité.

Nous, indépendantistes, critiquons aussi parfois un certain «refus», mais il ne nous viendrait pas à l'idée de mépriser le peuple québécois. Cette haine de soi que Dubuc veut nous faire boire est si basse, si coloniale, quelle honte!

Lecteur, as-tu survécu?

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