dimanche 21 février 2010

Pot-pourri pédagogie (un PPP différent)

Depuis janvier, j'ai lu deux ouvrages fort intéressants : d'abord le collectif Contre la réforme pédagogique et ensuite le recueil de Baillargeon : Contre la réforme.

Ayant eu à subir le très dur retour à la réalité après des mois d'endoctrinement socioconstructiviste-pédagogie-par-projets-approche-par-compétences-paradigme-centré-sur-l'élève, ces lectures m'ont fait l'effet d'une purge, d'une détox finale. Je suis devenu assez prompt à défendre ma nouvelle école de pensée, laquelle avait aussi le mérite de conserver une certaine cohérence interne.

Comment résumer la position défendue dans ces livres? J'emprunterais les propos de Régine Pierre (laquelle signe aussi un article dans Contre la réforme pédagogique) dans Le Devoir de Philo,

[...]la fonction première de l'école est d'instruire l'enfant, c'est-à-dire de lui transmettre les connaissances qui ont été construites par les générations qui l'ont précédé et sur la base desquelles les connaissances continueront d'évoluer. Comenius avait déjà compris un des principes qui seront validés par la psychologie cognitive moderne, qu'on a ignorée dans la réforme, à savoir que toute connaissance nouvelle se construit sur les connaissances antérieures.

Ainsi, plus on possède de connaissances, plus on comprend le monde qui nous entoure et plus on est capable de construire de nouvelles connaissances par soi-même. Cela implique que l'introduction et l'organisation des connaissances ne peuvent être dictées uniquement par les intérêts des enfants ou les circonstances d'enseignement, comme le suppose le cursus, mais qu'elles sont régies par des règles épistémologiques liées à la nature des connaissances et des règles psychologiques liées au développement de l'enfant. Ce sont là des principes didactiques incontournables sans lesquels aucune méthode d'enseignement ne peut prétendre à une quelconque validité scientifique. Cela aussi, Comenius l'avait déjà compris.

La réforme, dans ses fondements, ne respecte pas ces principes élémentaires. En fait, ma formulation est un peu réductrice : la réforme prétend les respecter, mais l'analyse de l'histoire de la réforme, le suivi des politiques et enfin les grandes orientations font fi de certains des impondérables sans lesquels un système d'éducation va tout simplement faillir à sa mission.

Peu après mes lectures, quelques critiques ont été émises à l'encontre des livres que j'avais lus. Le message est essentiellement le suivant : les contre-réformistes (c'est de mon cru) exagèrent, leurs opinions seraient constructives si le portrait de la réforme qu'ils pourfendent était juste, mais ils se basent sur une réforme qu'ils imaginent, plutôt que sur l'école réelle.

Je laisse le soin à Jonathan Levingston de nous présenter des articles qui démontrent (d'une façon un peu trop sensationnaliste, il est vrai) que le portrait de nos contre-réformistes est fidèle.

Je me charge de mon côté de réfuter les propos des critiques, voici donc le pot-pourri des commentaires que j'ai laissés chez Mario , mon but est de défendre «les auteurs qui critiquent la réforme» (je paraphrase parce que c'est vrai qu'on pourrait finir par ne plus savoir à quelle enseigne le pamphlet loge). La discussion originale est ici.

Mario :

M. Baillargeon s’applique à démontrer que «les idées qui alimentent la réforme» (cette expression revient souvent dans le livre) statuent «qu’il n’est pas possible de transférer d’une tête à l’autre des significations, i.e. des concepts et des structures conceptuelles» (p. 35). Avec une telle prémisse, je comprends les oppositions de l’auteur. D’ailleurs, c’est la première fois que je lis sur M. von Glasersfeld ou sur le constructivisme radical. Le MELS m’aurait caché tout ce temps (1999-2010) que la réforme s’inspire de cette théorie; c’est ce qu’il me faut déduire du fait qu’en aucun moment, je n’ai vu cité cet auteur ou cette forme de constructivisme dans les nombreuses séances d’information/formation du MELS auxquelles j’ai participé. Il est exclusivement question de «la beauté de la philosophie constructiviste» (l’auteur fait régulièrement dans l’ironie pour décrire ce qu’il rejette), de «relativisme cognitif», de «pédagogie de la découverte» et des compétences qui, «à mesure de leur généralisation et de leur indépendance du savoir, deviendront transversales» pour décrire «l’importante réforme de l’éducation en cours au Québec, pédagogiquement et philosophiquement révolutionnaire» explique avec encore une pointe d’ironie Normand Baillargeon. Je n’irais pas jusqu’à écrire que l’auteur fait preuve de mauvaise foi dans sa description de la «substantifique moelle» du renouveau pédagogique, mais il en est probablement resté au décodage d’une démarche qui n’a jamais été mise sur les rails, à mon avis. J’ai bien assisté à quelques «messes pédagogiques» de départ en 1999 qui avaient les allures de «hors-de-la-pédagogie-du-projet-point-de-salut», mais je dois ici préciser que dès les premiers rapports de validation des écoles ciblées, les «concepteurs et promoteurs de la réforme» ont dû faire marche arrière avec «l’imbuvable cocktail» (cette expression est de M. Baillargeon) «de relativisme, de solipsisme et de contradictions», si les velléités des réformateurs dont traite l’auteur ont trotté dans leur tête à l’origine de l’opération. Enfin, pas complètement au départ, mais rapidement, les enseignants (et plusieurs autres intervenants scolaires) ont affirmé haut et fort «que des apprentissages véritables se font dans l’utilisation du style magistral» et qu’expliquer et enseigner faisait encore partie de l’utile et de l’essentiel. En tous les cas, dans l’école que je dirigeais. La source de l’extrait cité à propos du magistral vient d’un document dont je reparlerai plus loin… Bref, les «erreurs philosophiques majeures» dont parle Normand Baillargeon me paraissent être bien théoriques, découlant d’une interprétation [plausible, mais décalée] des débuts de l’implantation de la réforme. Cette réforme décrite par M. Baillargeon, celle de «l’endoctrinement pédagogique», je ne l’ai rencontrée nulle part, dans aucune école du Québec, si elle a un jour été formulée. [...]


Réponse du pamphlet :

Mario n'a pas vu cité le nom de Glaserfeld dans les ateliers de formation, comme on ignore aussi les noms de MacCulloch, Günter ou encore de Watzlawick, Russell, Bateson et j'en passe.

Certains modèles issus de la recherche ou des expériences de pensée sont de simples MÉTAPHORES, mais la recherche en éducation se les approprie, pensons par exemple au modèle de communication de Shannon-Weaver, qui n'est correspondant à son référent QUE dans le contexte de l'ingénierie. La recherche en éducation s'approprie alors le modèle et le transforme, le recadre dans un environnement éducatif. Un nouveau chercheur propage alors le très innovateur et très fondé nouveau modèle... et nous voilà repartis pour 20 ans. Sans même connaitre l'origine des idées que nous professons et l'inadéquation entre la pensée originale et l'usage que nous en faisons.

J'exagère à peine, ce n'est pas grave que la recherche en éducation pille les autres disciplines, mais elle doit s'équiper des techniques et des connaissances qui se rattachent à ces disciplines, et ce, afin de comprendre les limites de l'usage de ses «importations».

La recherche en éducation semble se faire en vase clos et il est possible de faire de faire un premier puis un deuxième cycle en éducation en ignorant les figures philosophiques et scientifiques importantes de la pensée occidentale. Dans ce contexte, l'analyse conceptuelle à laquelle nous force Baillargeon est primordiale pour véritablement comprendre que ce n'est pas la surface, mais le squelette philosophique même de la réforme qui la rend dangereuse.

Et pour répondre au propos central du Blogueur, j'ai suivi un programme court de pédagogie en 2008 et les contenus, les plans de cours, les activités et les évaluations visaient précisément à nous inculquer les principes de la réforme tels que Baillargeon les présente dans son livre.

Les textes à lire étaient toujours proréforme et il nous était impossible d'obtenir des sources différentes et les enseignants étaient sourds ou incapables de défendre des visions critiques articulées qui révélaient les contradictions du «paradigme de l'apprentissage».

Donc même avec une vision de l'agent du milieu,la critique n'est pas tout à fait juste. De surcroit, vous évitez de résumer, en laissant le soin à une autre de le faire, mais le résumé en question donne les grandes lignes de l'argumentation de Baillargeon, vous refusez donc de répondre à l'essentiel et de vous engager dans le débat : les fondements de la réforme sont cohérents, scientifiquement solides ou non?

Baillargeon explique pourquoi ils sont à son avis toxiques, quelqu'un peut-il le contredire SUR CE TERRAIN ou non.

Le présent billet écarte la problématique en stipulant que la réforme «n'est pas aussi intense ou extrême que Baillargeon le prétend. La question n'est pas de connaitre le «degré» d'orthodoxie à l'idéologie constructiviste de la réforme, la question est de savoir si les idées qui sous-tendent notre projet éducatif sont bonnes ou non.

Baillargeon nous donne les outils pour que nous démêlions ce qui tient de la valeur de ce qui tient de la connaissance et il explique ensuite en quoi les idées à la base de la réforme, même si elles sont nobles, produiront des excroissances néfastes.

La critique de Mario semble être passée à côté cet aspect essentiel...


Réplique de MARIO :

«Vous refusez donc de répondre à l'essentiel et de vous engager dans le débat»

C'est bien la première fois qu'on me reproche de ne pas m'engager activement dans le débat. Je rappelle à M. Gill que l'objectif du billet était de faire une critique d'un livre, celui de M. Baillargeon.

Pour ce qui est du débat, je suggère de mettre le mot «réforme» ou «renouveau» dans la boîte «recherche» dans le haut de la page.

Bonne lecture!



Clôture du pamphlet (répéter est une stratégie d'enseignement...):

Le débat pour sur la réforme, oui vous vous y engagez, la démonstration est claire et je vais faire mes lectures.

Toutefois, le débat dont je parle est précisément celui des postulats épistémologiques d'une pratique ou d'une discipline et des conséquences qu'ils peuvent avoir sur l'élaboration de programmes, de politiques, de matériel ou d'un curriculum. Faire la critique d'un livre qui traite d'épistémologie, de philosophie des sciences suppose que l'on se mouille sur la question.

C'est l'objet du livre de Baillargeon et en évitant de diffuser votre lecture, vous négligez d'en exposer votre compréhension, il est donc difficile de voir comment
vous parvenez aux conclusions que vous nous communiquez.

Quand je dis que vous refusez de vous engager, je le dis précisément à propos de de votre refus ou de discuter le FOND de l'argumentation de Baillargeon (et non de l'application de la réforme telle qu'elle se vit sur le terrain, ce qui n'est pas le propos de Baillargeon). Je repose donc la question autrement : quelles idées ont inspiré la réforme? Baillargeon les a-t-il effectivement trouvées ou non? Et s'il les a trouvés, son argumentaire est-il limpide? Ses postulats sont-ils acceptables? Ses prémisses découlent-elles naturellement des ces derniers? Ces sources sont-elles fiables ou est-ce un mystificateur?

Vous reprenez Joëlle Quérin, mais le commentaire que vous lui empruntez suggère que sa critique du livre est que «les redites sont nombreuses et le fil conducteur finit par se perdre» alors que son but est plutôt de critiquer la forme, le manque d'unité dudit livre, qui nuit son avis
à « l’immense mérite de démasquer l’idéologie derrière la prétendue scientificité du constructivisme et des théories pédagogiques qui s’en inspirent. »


C'est sur le plan de la présentation que Mme Quérin faisait des reproches. Ces propos n'avaient pas le sens que votre insertion suggère.

Nous pouvons donc revenir à la question centrale, est-il légitime de proposer un modèle d'instruction qui soit fondé sur un paradigme avec lequel une communauté de philosophes et de scientifiques aurait beaucoup de difficulté?

Ce modèle, ce socle sur lequel l' éducation viendra s'appuyer, il doit être clair, cohérent et capable de supporter les critiques et surtout, susceptible de favoriser l'accroissement du savoir et de ses dispositifs.

Le constructivisme, très utile dans certains domaines, surtout pour des expériences de pensée, n'a pas les qualités requises pour être notre paradigme éducatif. Les théories qui en découlent tendent à créer plus de problèmes qu'elles n'en résolvent si on leur demande de gérer précisément ce à quoi elles sont opposées : des connaissances concrètes issues d'une pensée plus positiviste et qui caractérise un monde objectivable.

Vos réserves tendent toutes au même point : le portrait ne serait pas aussi noir que Baillargeon le suppose, le MELS ne jure pas que par le constructivisme radical...

Il n'a plus besoin d'en faire la promotion : il a rénové l'architecture de l'instruction de telle façon que conseillers pédagogiques, enseignants, manuels, évaluation et surtout programmes sont tous fortement teintés dudit paradigme.

Le temps qu'elles se rédigent, et les PIEA «réforme» seront justement désormais prêtes pour la «première génération réforme» dans les Cégeps.

Vous me proposez de la lecture? Je vous propose de lire Comeau, Lavallée, Rioux & Favre dans leurs textes sur l'enseignement de l'histoire dans « Contre la réforme pédagogique ». Ils font la critique d'un programme pour le moins récent, et qui concorde en tout point avec les effets toxiques que Baillargeon envisage. C'est la démonstration concrète des effets d'un paradigme inadapté à la praxis qu'il doit pourtant guider.

Les effets pernicieux qu'explique Baillargeon sont bel et bien présents. Le mérite de son livre est finalement d'expliquer la nature ontologique de la confusion et des incertitudes de la réforme, en expliquant qu'un projet dont fondements sont viciés ne peut avoir à son tour que des effets pervers.

Enfin un des passages de livre récent que vous citez, pour nuancer à votre manière le paradigme constructiviste, me semble emprunter directement à la pensée de Watzalawick dans la «L'Invention de la réalité » (1980) et qui clôt les contributions au constructivisme (auxquelles participe Glaserfeld) en expliquant combien constructivisme rime avec responsabilité, si le constructivisme signifiait liberté, il imposait également une diligence certaine à l'égard des conséquences de nos constructions. C'est précisément cette prudence qui fait défaut chez les experts de la pédagogie que j'ai rencontrés (les utilisateurs dudit solipsisme pédagogique).

Je salue par contre votre incitation à lire l'ouvrage et une ouverture au dialogue qui est très rafraichissante.


Ensuite il y a eu cette présentation d'une vidéo de Taddei et on s'est excité un peu (beaucoup) le poil des jambes (pour rien), à mon avis sans lire son rapport (Training creative and collaborative knowledge-builders: a major challenge for 21st century education).

Jeff me semble un bon représentant des enthousiastes que je veux sermonner :


Je suis encore et toujours étonné que certains puissent rester cois face à ce vieux débat. Comment peut-on encore ne pas comprendre que la vraie rupture qui existe dans l'école d'aujourd'hui ne vient que d'un refus d'actualiser (et inventer) de nouvelles façon d'apprendre. Nos enfants se forment souvent seuls dans la transversalité sans méthode ni méthodologie car les enseignants ne disposent pas des clefs d'accès. Cela est souvent le résultat d'une volonté supérieure qui n'a pas su anticiper et qui maintenant est totalement dépourvue face à ce type d'apprentissages. Alors, combien de temps devrait-on attendre pour trouver les nouvelles façon de faire aborder ces nouveaux mondes ? Qui va s'y mettre et réagir ? Qui osera bousculer les traditions et chalmbouler les programmes, remettre en question les savoirs, les connaissances et donner de vrais compétences, y compris transversales ?

Écrit par Jeff le 8 février 2010



Réponse du Pamphlet :


En gros, Taddei nous dit qu'il que l'école doit former des autodidactes, des créatifs qui prennent des risques. Je ne suis pas contre le principe (en éducation supérieure surtout) mais...

Si l'école pouvait se contenter SEULEMENT d'être un BON lieu de transmission du savoir (et un milieu de vie culturel et sportif pour le parasco.), ça serait déjà BEAUCOUP. On met vraiment trop souvent la charrue devant les boeufs...

J'aimerais que l'on réfléchisse à la nature des génies, Newton, Mozart, Leibniz, etc., je veux dire des gens «bons» en création juste pour voir les modalités d'émergence de leur incroyable talent et du contexte par lequel il s'est développé. Nous pouvons travailler nos textes comme nous le voulons, nous sommes «riches», je me demande parfois à quel point Voltaire, Rousseau, Goethe, Kant, avaient la chance de travailler leur texte.
Les modalités techniques rendaient le travail d'écriture et de réflexion beaucoup plus difficile qu'à notre époque, je PRÉSUME qu'ils devaient intérioriser un bon nombre de processus que nous couchons désormais sur l'écran. Je pense qu'ils avaient leur création «dans la tête» avant de l'inscrire sur papier. De nos jours, les artistes trans, multi, pluri, interdisciplinaire essaient, «gossent» et évaluent directement AVANT même de réfléchir à ce qu'il veulent dire ou faire. Si on fait la même chose en science, en lettres, je me demande si cette technologie et cette interdisciplinarité ne sont pas en train de nous rendre un peu nonos...

On ne peut généraliser et étendre à l'éducation ce que l'on observe avec des génies, mais on peut constater que la maitrise et l'automatisation de processus cognitifs extrêmement complexes libèrent de l'énergie et de l'attention pour que l'artiste ou l'expert puisse vraiment faire quelque chose de novateur. La question à poser est donc : quelle structure scolaire et quel curriculum sont favorables aux développements de ces techniques? Quelle est généralement la réponse, surtout pour les élèves socialement défavorisés? On commence à la connaitre et on a même au Québec une certaine évaluation de Théorêt et coll. sur les effets néfastes d'une certaine pédagogie.

http://www.infobourg.com/sections/editorial/editorial.php?id=10409

De toute façon, ceux qui ont développé des logiciels novateurs, l'Internet ou qui sont en ce moment des EXPERTS ne sont pas nés avec l'informatique et les TIC et se sont pourtant eux qui enseignent et développent des applications. Si on sait LIRE, ÉCRIRE, COMPTER ET RÉFLÉCHIR, l'adaptation aux nouvelles technologies se fait naturellement. Une révolution technologie peut tout aussi bien survenir demain matin et rendre caduc les efforts d'assimilation de techniques complexes tant une nouvelle interface simple peut tout révolutionner.

Mais pour poursuivre dans le coeur du propos de Taddei :

Tu veux de la créativité? Fais tes gammes! La «drill» mécanise des opérations complexes qui libèreront ton énergie lorsqu'elles se feront toutes seules, on ne s'épargner cette peine. Lire Mihaly Csikszentmihalyi si cette question vous intéresse, Le populaire Malcom Gladwell, dans Tipping Point ou Outliers http://www.gladwell.com/outliers/index.html nous explique que ce qui fait la différence, c'est le 10 000 heures de pratique dans un domaine. La «compétence», c'est d'abord et avant tout une question d'exercice.

Voilà la raison d'être du BLED, j'entends trop souvent des profs de français me dire que les étudiants connaissent les règles, mais ne savent pas les appliquer, c'est normal, ils n'ont pas fait les centaines d'heures d'exercices pas trop signifiants, mais tellement nécessaires pour être au-dessus de leurs affaires en écriture. La maitrise de la règle doit être ORGANIQUE, pas «construite par moi dans mes ti-projets que j'ai réfléchis très fort»... En tout cas, c'est pas cette réflexion-là à 7 ans qui va t'aider à passer ton Épreuve uniforme à 18 ans, c'est la diligence de tes profs qui t'auront offert les exercices et les auront évalués pour pas que tu passes trois sessions dans les centres d'aide...

Maintenant, étudions le point de vue de Taddei :

''Whereas the environment is becoming less predictable, formal education still too often prepares students for a static world. Whereas students will have to collaborate in interactive and interdisciplinary teams, they are still too often trained in a competitive mode that divides the acquisition of knowledge into disciplines''.

Tu veux être multi ou pluri ou interdisciplinaire? Apprends les bases de chacune d'elle! La division par discipline n'est pas fortuite, elle renvoie à des catégories et des perspectives qui correspondent aux appréhensions humaines du réel. L'école doit donc se charger d'abord de ça...

Si la base de l'apprentissage se fait sur les connaissances antérieurs, l'arrimage de savoirs et de savoirs faire complexes sollicitera l'acquisition des connaissances déclaratives élémentaires au préalable, c'est là je trouve un bel objectif pour le primaire et le secondaire.

Ceux qui prêchent «que le monde change et que l'éducation doive s'adapter, qu'elle est en retard, auraient intérêt à revisiter leurs classiques (Hérodote, Thucydide Tite-Live, Machiavel) et quelques modernes (Benjamin,Gramsci et Arendt), le monde ne change pas tant que ça, une certaine classe instrumentalise ce qui est à sa disposition comme pouvoir pour provoquer un certain affaiblissement de ses opposants potentiels et pour favoriser le cours de la fortune en fonction de ses intérêts. Malheureusement, on évacue les connaissances des cours d'histoire qui sont préalables à la compréhension de cesdites structures.

Toujours Taddei
«le système le plus performant sera celui qui forme les meilleurs autodidactes»

Voilà le projet humaniste de la Renaissance, un certain Montaigne touche à la question, je crois... Au coeur du projet? L'apprentissage des langues, LA LECTURE DES ANCIENS et l'exercice de l'esprit critique.

Et pour terminer, Teddei insiste sur l'existence de certain darwinisme pédagogique, qu'est-ce qui l'autorise appliquer ce postulat : «Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements», et à l'appliquer au monde de l'éducation?

Ça veut dire que si une société traverse une passe très très corporatiste, pendant, disons deux décennies, seules les écoles qui se seront adaptées à ce changement survivront, en produisant des entrepreneurs autodidactes. Que perdra-t-on au change? Si notre entrepreneur devient gestionnaire et qu'on lui soumet des projets demandant, par exemple, une évaluation des qualités esthétiques d'un projet, mais que nulle part, le curriculum n'a incité notre entrepreneur à développer des connaissances et à exercer son jugement en art, et disons qu'il décide de ne pas utiliser son jugement d'autodidacte pour demander de l'aide sur le sujet, mais qu'il utilise plutôt ses compétences autodidactes comptables, lesquelles lui permettre de choisir un projet très économique, mais absolument nul sur le plan du design de l'environnement ou de critères architecturaux, pour reprendre Teddei contre lui, les décideurs ''don't know what they don't know'', d'où l'importance pour l'école de précisément reconnaitre sa fonction, son rôle de médiation, de transmission d'un bagage essentiel.

Lier l'école à la contingence des modes peut être extrêmement dangereux, on devrait plutôt militer pour que l'école soit justement indépendante des humeurs du très court terme. C'est de cela qu'on parle, quand on évoque l'idée de la «tour d'ivoire», ce terme ne devrait jamais être perçu comme un terme péjoratif.

Baillargeon, dans ses écrits, explique d'ailleurs la différence entre progressisme scolaire et progressisme politique. Le premier n'est pas nécessairement au service du second. Teddei, dans son rapport (c'est palpable dans ses premières recommandations), me semble disposé à diffuser la nécessité de comprendre de cette nuance.


Ensuite on nuance dans la réplique au Pamplet :

Le meilleur moyen d'apprendre à apprendre ne serait-il pas d'abord, d'apprendre, pour de vrai ? Doit-on obligatoirement être en rupture avec les traditions en matière d'enseignement pour être de son temps et additionner quelques possibles en terme de stratégies pédagogiques? Si c'est plus difficile de considérer en certaines circonstances des stratégies plus ouvertes, si les ressources dont disposent les profs ou les écoles ne sont pas suffisantes, doit-on baisser la tête et se dire qu'il faudra attendre un meilleur contexte pour innover, surtout quand on se sait en présence d'élèves qui en bénéficieraient? L'important «tamis de l'esprit critique» n'exige-t-il pas que parfois, l'information entrant dans la classe arrive par les sources qu'utilisent les élèves pour s'informer au quotidien et que nous les profs, soyons au rendez-vous pour le construire et permettre aux élèves de l'emporter avec eux («l'» étant le tamis)? Doit-on se contenter de ce qui est réaliste en éducation? Peut-on se demander collectivement d'envisager d'en faire plus que ce qui est réaliste sans dénigrer ceux qui font bien ce qui est réaliste? Ceux qui critiquent le fait que la pédagogie de projet ait été présentée trop souvent comme «l'unique modèle» veulent-ils simplement nous dire qu'ils conçoivent bien qu'elle peut s'avérer très utile, dans certains contextes avec certains élèves? [...]

Je suis assez d'accord avec le fait que ce serait déjà bien que l'école soit «un BON lieu de transmission du savoir (et un milieu de vie culturel et sportif pour le parasco)». Mais ce ne serait pas suffisant, comme le titre de ce billet le suggère. J'ai toujours pensé que la meilleure façon d'obtenir peu des étudiants et des élèves était de ne pas beaucoup leur en demander. Je crois toujours aujourd'hui que de leur demander de savoir agir avec ce qu'ils savent est un bon moyen de s'assurer qu'ils veuillent toujours en savoir plus. Je ne suis pas contre «la maitrise et l'automatisation de processus cognitifs extrêmement complexes». Je dormais avec ma balle de baseball en main du temps où j'étais lanceur dans une ligue élite et j'ai expérimenté que la répétition pouvait engendrer l'amélioration. À l'école, du temps où nous étions «école ciblée», il y avait toujours de l'espace pour des exercices et de la répétition. Croiriez-vous que les étudiants de ces classes qui utilisent les blogues et les projets pour apprendre ne répètent pas les mêmes processus en vue de les raffiner et de mieux apprendre? Le contexte de leurs apprentissages (ils ne travaillent pas que pour leur prof, ils savent qu'ils sont lus) favorise à la fois leur motivation à répéter et ils sont encouragés à faire plus d'efforts.

Si «le monde ne change pas tant que ça», il change... c'est déjà ça. «S'adapter», ce n'est pas un synonyme «d'être en rupture» avec le passé. Vouloir former «les meilleurs autodidactes» ne veut pas dire «refuser l'aide de ceux qui veulent m'enseigner». C'est peut-être seulement vouloir être certain de ne pas créer de lien de dépendance envers eux...



Le Pamphlet se livre ensuite (inédit!) :


Je suis évidemment content d'avoir votre avis (et en plus, on est numériquement chez vous...) et j'insiste encore une fois pour saluer votre ouverture au dialogue.

Je ne peux de mon côté qu'être d'accord avec vous quand vous écrivez que « la meilleure façon d'obtenir peu des étudiants et des élèves était de ne pas beaucoup leur en demander. »

Toutefois, je pense qu'il faut « leur en donner d'abord» et je parle ici d'information et de méthode pour l'organiser. Les projets qui font, dans une école ou même à l'extérieur, beaucoup de lumière et de bruit font-ils autant d'étincelles neuronales internes que d'artifices externes?

Je suis tout à fait d'accord avec l'idée d'insérer les TIC et les projets, dans la mesure où ceux-ci sont des suppléments, des aides, mais non le squelette d'un cours.

Je vous donne un exemple anecdotique, j'ai demandé à des étudiants de faire des recherches à la bibliothèque, je voulais ainsi les initier aux références, aux revues spécialisées, aux sections liées à leur discipline et enfin au moteur de recherche et au catalogue de la bibliothèque.

J'ai un étudiant «super branché», il a un «blackberry», s'il pouvait avoir un Ipad, je suis certain qu'il en aurait un. J'avais émis une consigne bien claire, pas d'Internet, pas de wikipedia pour répondre aux questions de mon exercice. Les étudiants devaient trouver des informations qui existent physiquement, localement, concrètement dans la bibliothèque.

Mon étudiant branché a vraiment eu l'ai d'une âme en peine, trop habitué à Google, il peinait à faire une recherche par mots-clés sur un logiciel plus spécialisé. Je sais qu'ils ont eu une initiation complète lors d'un autre cours, c'est donc surprenant que mon étudiant ne se soit
pas débrouillé autrement. Ce n'est pas un cancre (je n'aime pas ce mot de toute façon), ni un paresseux, mais ce n'est sûrement pas un cas isolé, il n'a juste jamais eu besoin de développer d'autres habilités. N'oublions pas que les TIC deviennent de plus en plus intuitifs, je dirais donc qu'il faut discriminer l'étudiant véritablement habile à développer divers savoirs, et celui qui est « branché », car ce dernier jouit peut-être simplement d'un avantage économique sur ses pairs, et non d'une véritable expertise.

Lors de la rétroaction sur l'exercice, il nous a expliqué qu'il s'était toujours débrouillé sans avoir à passer par la bibliothèque ni à consulter des bases de données disponibles. Je ne peux généraliser à l'aune d'un cas singulier, je me méfie simplement que des compétences technologiques remplacent des compétences qui devraient être antérieures dans la chaine du développement des savoirs et des savoirs-faire. Comme les jeunes côtoient un monde ou Internet était là avant eux, il y a un phénomène d'horizontalité dans l'accès aux informations
disponibles.

Il faut donc instruire les jeunes et leur permettre de développer des méthodes pour faire des discriminations efficaces. Les anciennes divisions disciplinaires me semblent précisément des lieux qui auraient particulièrement adaptées, il y des topiques, des délimitations, des structures dans les disciplines. La connaissance précise de connaissances et des méthodes de chacune permet précisément de développer des aptitudes à la recherche (par exemple) qui peuvent ensuite être l'objet d'un transfert à mesure qu'elles se précisent. En les refondant (ces disciplines) en divers champs agglomérés, lesquels sont traversés par des compétences pouvant être développées d'un champ en l'autre, peut-être avons-nous complexifié l'accès à la connaissance.

J'entends par là qu'il faut alors être un expert de cette réorganisation des savoirs et un expert de notre discipline puis un aventurier des autres disciplines. Ce n'est pas à la portée de tous les profs.

Je me demande donc si le rapport de Taddei ne peut pas nous leurrer dans les avenues qu'il préconise :

«Knowledge-building Innovative methods of collaborative knowledge-building have been tested in 19 countries, based on theories developed in Canada by Marlene Scardamalia and Carl Bereiter. According to them, this approach can have broad impact:

“Knowledge-building has been shown to yield advantages in literacy, in 21st century skills, in core-content knowledge, in the ability to learn from text, and in other abilities. However, it is a fact that knowledge-building involves students directly in creative and sustained work with ideas that makes it especially prom ising as the foundation for education in the knowledge age.”

The main principle is that in knowledge-building, work involved in the creation and improvement of ideas can be a source of learning. Adult knowledge-workers produce knowledge, simultaneously learning and updating their skills. Scardamalia and Bereiter argue that although achievements may differ, the same process can occur from the first grade to the PhD and after in working life, and that the software platform they developed, Knowledge Forum, can be adapted to all age groups. » (p.39)



La citation est longue, mais pour faire référence au blogueur dont je réclamais l'avis (Jonathan Livingston), la pierre angulaire de son propos est que au contraire de Taddei, l'APPRENTISSAGE NE FONCTIONNE PAS DE LA MÊME MANIÈRE CHEZ L'ENFANT, L'ADO ET L'ADULTE.

Pour construire son argumentation, il utilise à la fois ses connaissances en psychologie, son expérience d'enseignant et son analyse des programmes. Je ne peux soutenir scientifiquement la validité de ses propositions, mais je peux affirmer qu'elles ont du moins de fortes cohérences internes.

Ma conclusion préliminaire consiste donc à dire que les méthodes les plus centrées sur l'enseignement doivent être prépondérantes en début de parcours scolaire, et celles dont le spectre tend vers l'apprentissage doivent être situées en fin de parcours. Le cloisonnement disciplinaire doit également être strict et les disciplines doivent se recouper seulement quand la base de ces dernières commence à être connue et maitrisée, ce qui nous amène plus ou moins à l'épreuve synthèse au Cégep.

Je suis intervenu parce que les propositions et les recommandations de Taddei, bien qu'elles semblent stimulantes écrasent les hiérarchies que je propose. Mais ce n'est pas parce qu'il blesse mon ego que je m'y oppose ( je vais utiliser toute méthode susceptible d'accroitre la réussite de mes étudiants, si elle est validée, même si elle déconstruit mes croyances), mais parce qu'elle induit une « horizontalité des connaissances » qui ne correspond pas à ma compréhension du savoir, des sciences cognitives et de la psychologie de l'apprentissage. Bien qu'il semble démocratique, le progressisme pédagogique n'est pas garant d'un libéralisme politique ni d'un progressisme social.

Je finirais même en soulignant que le rapport de Taddei contribue plutôt à détourner le débat dans plusieurs pays , débats où certains proposent aussi un retour à un enseignement plus traditionnel. Je comprends que sa proposition est celle d'une école qui peut être instrumentalisée, le vocabulaire de ses propositions en fait foi. Le rapport Taddei est alléchant, car sa vision inspirante, son appel à la créativité font rêver. Mais retenons qu'elle tient plus du «quikfix» qui nous sort momentanément de la confusion des savoirs que j'ai évoqués plus haut, que d'une vision structurée et philosophique de ce que devrait être l'école. Par contre, je salue évidemment ses appels à un investissement plus soutenu en éducation.

Je ne peux donc qu'être d'accord avec vous, Mario, sur l'utilité des outils, des TIC et des projets, du moment qu'ils servent d'appoint à l'enseignement, mais ils ne peuvent, à mon avis, servir de socle. Je suis donc comme vous favorable à «l'adaptation», mais à l'intérieur de balises précises.

Pensons par exemple à l'informatique, nous n'avons pas vraiment développé de cours d'informatique au niveau élémentaire. La génération X ou Y en tout cas n'en a pas eu. Les habilités informatiques sont aujourd'hui un bon exemple d'une compétence transversale (mais peut-être que je me trompe sur la définition exacte de ces dernières), que nous utilisons d'un domaine à l'autre. Par contre, sur le plan informatique, nous ne sommes pas indépendants, nous sommes liées par l'industrie, par le capital, par les stratégies commerciales. Si nous avions eu des cours de programmation, la base alphabétique d'une société de l'information, nous saurions généralement fonctionner sous LINUX, nous aurions une société qui bidule des applications, gratuitement. Il existe bien un mouvement «open», mais nos gouvernements et le MELS n'en font pas la promotion. Dans mon école, nous fonctionnons sous Windows et sous office. Est-ce normal?

Je vois là des générations de consommateurs de TIC pas de compétents en TIC. Un individu créatif, instruit et compétent innove, démocratise. Nous consommons les technologies, nous n'en sommes pas les maîtres. C'est ce que j'entends quand je dis que l'éducation est instrumentalisée. Un enseignement disciplinaire et non transversal aurait fait de nous des individus critiques sur le plan informatique... Taddei ne semble pas vouloir inverser la vapeur.


ET UN PARTICIPANT RÉPOND AU PAMPHLET QUE CE DERNIER N'EST PAS PERTINENT :

J'ai longtemps hésité à participer à cette discussion, trop éloignée de mes préoccupations et de mon microcosme quotidien...

Je m'étonne qu'il y ait encore débat sur la supériorité de telle ou telle méthode.

Je ne dispose pas de la culture scientifique nécessaire pour argumenter en faveur/défaveur des uns ou des autres.
Je m'appuie sur mon simple parcours et ma pratique quotidienne.

=> De mon point de vue, l'école n'est pas le système scolaire !

L'école d'Afrique, d'Asie, d'Europe ou d'Amérique vise à transmettre savoir-faire et savoir-être, tandis que le système scolaire vise à inculquer les règles et les connaissances utiles/nécessaires pour vivre au sein de la société dont il est lui-même issu.

L'école s'appuie sur l'individu, tandis que le système scolaire traite du groupe.

Je m'étonne que cette discussion n'est apportée aucune réponse concrête à la question sous-jacente à l'origine de ce billet : le savoir peut-il se transmettre ?

Écrit par Gael PLANTIN le 14 février 2010

Gaël, nous avons tous pris pour acquis, je crois, que le savoir pouvait se transmettre.

Voilà pourquoi nous avons été attirés d'ailleurs, par ce débat ;-)

Écrit par Mario Asselin le 14 février 2010
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Ah !

Personnellement, je crois que le savoir s'acquiert...

Sans cette attitude volontaire de l'apprenant, j'ai le sentiment que la transmission n'est qu'une chimère...

Écrit par Gael PLANTIN le 14 février 2010



Ce à quoi le Pamphlet répond :

Au contraire... on est en plein dans vos préoccupations :

le titre et le propos de votre billet posent la question de la transmission des savoirs et de la nécessité de dépasser cet impératif, vous nous présentez Taddei afin d'étoffer ledit point de vue.

L'école, du moins dans certains pays, est tributaire du système scolaire qui la régit. Le système scolaire relève de l'autorité politique, or c'est cette dernière qui impose ensuite les «régimes». L'autorité a choisi, au Québec, un régime «pédagogique», un programme «pédagogique» et un curriculum «pédagogique» (les compétences) au détriment d'une approche «disciplinaire». Nous ne sommes donc pas ici dans le débat entre telle et telle méthode, mais dans l'exposition d'une structure qui en impose une de manière verticale. Taddei est pour une plus grande ouverture, mais il se pourrait que son rapport serve à la fin inverse : cautionner un système scolaire qui « produit » des individus à la curiosité limitée, parce qu'aux connaissances limitées.

Revenons à Taddei, son message est inspirant et il semble partisan d'un certain progressisme politique. La transmission d'un savoir ne suffit pas, il veut que les jeunes se questionnent, qu'ils critiquent et qu'ils soient autodidactes.

La raison de mes interventions ne porte en fait que sur ce constat, je suis d'accord avec les finalités de Taddei, je me permets par contre de répéter ce que d'autres ont dit mieux que moi : cette atteinte d'idéaux progressistes (politiques) a peu de chance d'arriver, en contexte d'enseignement de masse, si l'école est soumise à des programmes moulés selon la pédagogie progressiste.

On nous présente Taddei, c'est bien, mais lorsqu'on lit son rapport, on constate qu'on peut facilement l'instrumentaliser pour cautionner un progressisme pédagogique qui dissimule un conservatisme politique, c'était la démonstration de mon commentaire précédent.

Par là, j'entends que l'on oriente les jeunes vers le développement d'aptitudes qui visent un arrimage avec le «monde réel» et qui permettent la démonstration d'une véritable maestria chez ces derniers, démonstration qui sert de preuve pour l'évaluation positive du système scolaire, mais pendant ce temps une partie de ce qui faisait la valeur de l'école, justement la communication d'un savoir humaniste, liée à une tradition féconde et culturellement riche, est doucement évacuée. Le programme d'univers social au secondaire est, je pense, l'exemple le plus probant de ce type de détournement. Comeau, Lavallée, Lavallé, Rioux et Favre expliquent ce dernier mieux que je pourrais le faire.

Le savoir peut-il se transmettre? Taddei nous parlant de ses macaques nous le prouve certainement. Par quelles modalités opératoires cognitives et communicationnelles le savoir se transmet-il, c'est là une question complexe j'en conviens.

C'est justement la complexité d'une telle question et son impact qui exige de la discuter avec transparence. C'est ce que j'ai tenté de faire en analysant très sommairement quelques conclusions du rapport Taddei, en allant au delà de la beauté de la petite vidéo. Si c'est bien d'encourager les jeunes à agir concrètement dans leur milieu, cette action ne doit pas occulter l'objectif primaire de la transmission d'un savoir structuré et universel, lequel est garant, malgré son conservatisme pédagogique, du développement l'esprit critique. Conservatisme susceptible d'accoucher d'individus plus politiquement engagés et progressistes...

Taddei est lui-même l'héritier d'un tel système et chez nous, les pères de la modernisation du pays qui ont tout bouleversé (Lesage, Parizeau, Lévesque ou même Trudeau) étaient issus d'un système pédagogique conservateur.

En terminant, je pense que derrière la créativité, si chère à Taddei, se cache la discipline. Pour ceux qui s'intéressent à cette question et qui n'ont pas encore lu Mihaly Csikszentmihaly, c'est un incontournable :

«La créativité, ce vétéran de la psychologie positive, prof à l’université de Chicago, l’a étudiée avec pragmatisme et humanisme. Pendant des années, avec ses étudiants, il a interrogé des centaines de « créateurs » reconnus, aussi bien artistes et poètes que chercheurs et savants. Le résultat est un modèle touffu, passionnant et impossible à résumer.»

http://www.nouvellescles.com/article.php3?id_article=866
http://www.cgu.edu/pages/1871.asp



C'EST PEUT-ÊTRE PAS PERTINENT DE METTRE DES DISCUSSIONS DE D'AUTRES BLOGS, MAIS LE PAMPHLET VOULAIT CONSERVER UNE TRACE DE LA RÉSOLUTION DE CERTAINES MIGRAINES...