mardi 1 juin 2010

Le parti libéral, la politique du tapis et ses acariens




Hier, Jean Charest, premier ministre du Québec et aspirant premier ministre du Canada aurait réussi un coup de maitre : il a recruté l'ex-adéquiste Simon-Pierre Diamond et en a fait son candidat libéral pour la prochaine élection partielle dans Vachon.

Comme vedette de son ancien parti -c'est quand même le citoyen ayant été le plus jeune élu de l'histoire du Québec- et transfuge (on parle d'un ex-directeur général de l'ADQ, ce n'est pas rien), il serait plus que pertinent de connaitre sa position constitutionnelle, sa vision du Québec. Après tout, sa jeunesse en fait un candidat potentiel pour qu'il ait un jour un ministère ou qu'il soit même, sait-on jamais, premier ministre du Québec.

Son C.V. est impressionnant, son parcours et son engagement scolaires aussi alors je me pose une question, où a-t-il trouvé le temps pour lire, se cultiver et connaitre la culture et l'histoire du Québec? Sciences humaines au Cégep de Maisonneuve et études en droit c'est bien, mais en temps que membre des cercles d'affaires et des chambres de commerce et surtout en tant que jeune politicien hyperactif, où a-t-il été cherché le savoir nécessaire pour alimenter sa pensée critique et se forger une véritable pensée politique, voire une vision de la société québécoise et des moyens pour la faire advenir?

Sa proximité des milieux d'affaires, à un si jeune âge a quelque chose d'inquiétant. N'est-ce pas l'expression d'un conformisme assez étrange qu'il ait été président d'assemblée pour le comité jeunesse du parti défusionniste Union Montréal? Ce genre de choix, contraire à l'activisme que l'on attend d'ordinaire chez les jeunes (il y a des causes environnementales et sociales pour lesquelles il aurait pu militer et qui sont bien plus au diapason avec les préoccupations de la génération dont est issu Monsieur Diamond) a malheureusement des relents d'opportunisme.

Il semble donc hautement nécessaire de l'interroger pour vérifier s'il est vraiment conscient du jeu auquel joue. Le jeune politicien prétend que le parti libéral a désormais un discours adéquiste. En effet, d'après le programme de l'ADQ, « [l]e Québec est aujourd’hui mûr pour une voie nouvelle qui lui permettra de s’épanouir et de satisfaire ses aspirations profondes à l’intérieur du Canada, dans un esprit de collaboration et de bonne entente. Cette voie nouvelle, c’est celle de l’autonomie politique, financière et économique du Québec.» Le même programme souligne que «[c]ontrairement à l’option fédéraliste, qui consiste à accepter le statu quo, et à l’option souverainiste, qui prône l’indépendance du Québec à tout prix, l’ADQ suggère que le Québec adopte une vision autonomiste, s’inscrivant dans la continuité du Rapport Allaire.»
Simon-Pierre Diamond réalise-t-il qu'il passe d'une vision passablement revendicatrice, celle qui prône une véritable réforme de la constitution canadienne, à une vision qui s'apparente à la politique du tapis?

La seule marge de manoeuvre qu'offre Charest est en effet cantonnée dans les ententes administratives qu'il arrive à négocier avec le fédéral. En refusant tout rapport de force fondé sur la légitime option de l'indépendance, en étant l'otage d'une frange d'électeurs qui ne seront jamais partisans d'une véritable réforme permettant aux francophones d'avoir précisément l'autonomie nécessaire à leur épanouissement, Charest a les mains liées et force ainsi le Québec à avaler les diverses couleuvres que lui impose Ottawa.

Ottawa veut abolir le registre des armes à feu, Ottawa refuse de nommer des juges bilingues à la Cour suprême, Ottawa veut faire une agence nationale de règlementation des valeurs mobilières, Ottawa autorise Terre-Neuve à creuser Old Harry en dépit des règles de sécurité et au mépris de la santé du Golf du Saint-Laurent et la Cour Suprême invalide des pans de la loi 101? Charest et le parti libéral ne peuvent rien y faire.

En définitive, il est incompréhensible qu'un jeune québécois francophone instruit ne réalise pas combien les Québécois francophones sont actuellement dans une impasse et plus que jamais menacés par la constitution canadienne, la disparité économique et surtout la démographie canadienne. S'il embrasse le parti libéral, c'est qu'il se moque fondamentalement du destin de ses compatriotes et qu'il préfère choisir une belle carrière.

Tant qu'il était adéquiste, sa position autonomiste pouvait paraitre farfelue, mais elle avait au moins le mérite d'un certain idéalisme. Simon-Pierre Diamond a choisi le navire libéral, un choix carriériste et individuel tout à fait légitime, mais il doit assumer le prix qui l'accompagne : le mépris collectif le plus absolu.

L'Engagé

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